Accoucher en maison de naissance, à l'étranger

Naissances transfrontalières en maison de naissance : les risques de la prise en charge

En attendant le vote de la loi française autorisant l'ouverture des maisons de naissance, vous pouvez en théorie accoucher dans des structures déjà existantes, à l'étranger. Problème : les caisses primaires d'assurance maladie refusent parfois la prise en charge. 

L'ouverture des maisons de naissance en France ressemble un peu à Arles. On en parle souvent, on l'annonce régulièrement mais on ne voit rien venir. Un projet de loi les autorisant sera examiné par le Sénat le 28 février. Ce texte avait déjà été voté en novembre 2010 dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (PLFFSS) pour 2011. Mais il a ensuite été censuré par le Conseil constitutionnel. La raison : il n'avait aucune raison de figurer dans le PLFSS.

Passer la frontière pour mieux choisir son accouchement

Quelques maisons de naissance hospitalières ont déjà ouvert en France, à titre expérimental. Ils sont peu nombreux. Dans certains départements frontaliers, les futures mamans n'ont que quelques kilomètres à parcourir pour profiter des structures étrangères et accoucher dans les conditions qu'elles ont choisies. Dans les maternités « amies des bébés » (quand il n'y en a pas dans leur service), en maison de naissance ou à domicile mais avec une sage-femme exerçant à l'étranger. En Allemagne, Suisse, Luxembourg. A l'heure de la libre circulation des biens, des personnes et des services dans l'Union européenne, pourquoi pas ? Cependant, la prise en charge de ces naissances est un peu la loterie, avec des conséquences financières importantes.Le libre choix de l'accouchement peut avoir un prix élevé.

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Les maisons de naissance, ou pôles physiologiques en milieu hospitalier, laissent une plus grande liberté de mouvement à la future maman et des accessoires l'aident à gérer les contractions.

Il y a quatre ans, Eudes Geisler a accouché dans une maison de naissance allemande. Depuis, elle est empêtrée dans un imbroglio judiciaire avec la CPAM de son département, la Moselle, et n'a toujours pas obtenu le remboursement de son accouchement. Son premier enfant est né à la clinique en 2004. « Ça s'est pas mal passé mais… la maternité était en travaux, j'ai accouché aux urgences, j'ai fait tout le travail aux côtés des ouvriers qui peignaient, il y avait 6 ou 8 livraisons en même temps. Les sages-femmes couraient partout. Je ne voulais pas de péridurale mais comme j'avais mal et que je ne savais pas si ce que je vivais était normal, que je n'étais pas accompagnée, j'ai fini par la demander. Ils ont percé ma poche à eau, injecté de l'ocytocine synthétique, et rien ne m'a expliqué. " 

Vivre en Moselle, accoucher en Allemagne

Pour son deuxième enfant, Eudes ne veut pas revivre cette expérience. Elle souhaite accoucher à domicile mais ne trouve pas de sage-femme. Elle découvre une maison natale à Sarrebrück en Allemagne, à 50 km de chez elle. « J'ai tissé un très bon lien avec la sage-femme, le lieu était très convivial, très cocon, exactement ce que nous voulions. Pendant la grossesse, la jeune femme est suivie par son médecin généraliste pour pouvoir être prise en charge. Elle demande une autorisation préalable de la sécurité sociale pour la maison de naissance. Un mois avant la naissance, le verdict tombe : refus.Eudes saisit la commission de conciliation. Nouveau refus. Le médecin conseil national est saisi et enfonce le clou. Le Tribunal de la Sécurité Sociale rejette la demande de remboursement d'Eudes et lui donne une petite leçon dans la démarche. "On ne peut évidemment pas reprocher à Mme Geisler d'avoir préféré accoucher dans une maison de naissance en Allemagne plutôt que dans une maternité lorraine (...) Pourtant, c'est un pur choix.

 de convenance personnelle (…) et l'on peut ainsi reprocher à Mme Geisler d'avoir voulu faire supporter à la communauté des assurés un choix de pure convenance personnelle. Tel comportement

 n'est pas éligible. Cependant, le coût de cet accouchement, 1046 euros, est nettement inférieur au coût d'un accouchement classique à l'hôpital avec un séjour de 3 jours (forfait de base : 2535 euros sans la péridurale). Eudes se pourvoit en cassation. Le tribunal annule le jugement et renvoie l'affaire devant le tribunal de sécurité sociale de Nancy, qui a donné raison à la jeune femme. La CPAM a alors fait appel. La Cour d'appel a déclaré l'appel irrecevable. L'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais la CPAM décide de se pourvoir en cassation à la fois contre le tribunal de Nancy et contre la cour d'appel. 

L'entêtement judiciaire de la sécurité sociale

Dans cette histoire, l'entêtement judiciaire de la CPAM (dont nous attendons les réponses) semble difficile à comprendre. « Comment l'expliquer autrement que par un parti pris idéologique incompatible avec sa mission de service public ? » interroge le Collectif Interassociatif autour de la naissance (Ciane). Assimiler le choix d'un accouchement naturel à une convenance personnelle et en faire un argument juridique peut sembler s'inscrire dans une vision assez rétrograde de l'accouchement, à une époque où les mères déplorent plus fortement la surmédicalisation et où la plupart des professionnels de santé prônent la « médicalisation raisonnée ».  Ce cas particulier pose également la question du statut des maisons de naissance et de la législation sur les soins transfrontaliers.  Les soins remboursables en France et effectués dans un pays de l'Union européenne sont pris en charge par la sécurité sociale dans les mêmes conditions que s'ils avaient été reçus en France. Pour les soins hospitaliers programmés, une autorisation préalable est requise (il s'agit du formulaire E112). Un accouchement dans un hôpital allemand, par exemple, peut être pris en charge mais nécessite une autorisation préalable de la CPAM. Pour les maisons de naissance, c'est plus complexe. Leur statut est ambigu. Il est difficile de dire s'il s'agit de soins hospitaliers. 

« En l'occurrence on est vraiment dans l'appréciation des règles, souligne Alain Bissonnier, juriste au Conseil national de l'ordre des sages-femmes. S'agissant d'une maison de naissance, il n'y a pas d'hospitalisation et on pourrait considérer qu'il s'agit de soins ambulatoires, donc non soumis à autorisation préalable. Ce n'est pas la position de la CPAM. Le litige dépasse les 1000 euros et cette procédure coûtera à terme de l'argent à l'assurance maladie. En attendant, Eudes fait l'objet de deux pourvois en cassation. "J'ai mis le doigt dans l'engrenage et je n'ai donc pas d'autre choix que de me défendre."

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D'autres mères obtiennent le formulaire E112

Myriam, résidant en Haute-Savoie, a accouché de son troisième enfant dans une maison de naissance suisse. « Je n'ai eu aucun problème à prendre en charge même si l'accord était en retard. J'ai envoyé une lettre avec un certificat médical, avec les articles de loi et j'ai justifié mon choix. Je n'ai pas eu de réponse. J'ai enfin reçu une réponse m'indiquant que l'analyse de ma situation était en cours, le lendemain de mon accouchement ! Lorsque j'ai reçu la facture de la maison de naissance, 3800 euros pour le suivi global, du 3ème mois de grossesse jusqu'à 2 jours après l'accouchement, j'ai envoyé un autre courrier à la sécurité. Ils m'ont répondu que pour établir le fameux formulaire E112, il fallait préciser les prestations. La sage-femme a envoyé ce détail directement à la sécurité. Au total j'avais une charge restante de 400 euros. « Autre département, autre aboutissement.

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