Faut-il lever l'anonymat du don de sperme ?

Le don de sperme doit-il rester anonyme ?

De plus en plus d'adultes nés d'un don de sperme anonyme demandent l'accès à leurs origines en justice. Que pensez-vous de cette entreprise ?

Pierre Jouannet : Le débat autouranonymat du don de sperme n'est pas nouveau. Mais ces dernières années, elle a pris une autre dimension avec l'évolution de la société, les schémas familiaux et lales enfants nés de la procréation assistée atteignent l'âge adulte. Les couples de même sexe ont le droit de devenir parents par adoption, et cela pourrait encore changer avec la révision des lois de bioéthique, concernant la procréation assistée pour les couples féminins, qui fera la différence. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'appartient pas au médecin de décider si le don de sperme doit ou non rester anonyme. C'est un choix de société, un choix éthique fondamental. Cependant, une telle décision ne peut être prise sans réfléchir aux enjeux et aux conséquences. Aujourd'hui, le débat reste trop dans le registre de l'émotionnel et du compatissant.

Comprenez-vous que les personnes nées du don de sperme souhaitent connaître l'identité de leur père biologique ?

PJ : C'est légitime de vouloir à un moment donné connaître l'identité de son père. En tant que médecin, ayant rencontré de nombreux jeunes adultes conçus par don de sperme et qui voulait le renonciation à l'anonymat, je peux vous dire que cette demande est souvent liée à difficultés personnelles. Il peut s'agir de problèmes relationnels avec le père mais aussi de la manière dont ces jeunes ont appris comment ils ont été conçus. Par exemple, lorsque les révélations sont faites lors de conflits ou de chocs émotionnels aigus ou lorsqu'elles arrivent trop tard. Parfois, les parents ne peuvent pas bien gérer l'information sur le mode de conception, car ils ont eux-mêmes du mal à faire face à cette situation. C'est sur cela que les équipes médicales doivent travailler. Puissent ces enfants connaître leur histoire, en toute transparence, qu'il n'y a pas de tabous, qu'ils sachent qu'ils ont été conçus avec un don de sperme et comprennent pourquoi. Dans les cas où les choses vont bien avec leurs parents, il est peu probable que ces adultes trouvent un autre père. De plus, le mot même « père » utilisé à propos du donneur entretient la confusion.

Quelles pourraient être les conséquences de la levée de l'anonymat ?

PJ : Probablement un diminution du nombre de dons, mais surtout il pourrait dissuader les futurs parents de recourir au don de sperme. C'est ce qui s'est passé dans Suède , Où le le don de sperme n'est plus anonyme – c'est le premier pays d'Europe à avoir levé l'anonymat du don de gamètes il y a vingt-cinq ans. De nombreux couples suédois ont renoncé à devenir parents ou se sont tournés vers des banques de sperme anonymes dans d'autres pays. Aujourd'hui, suite à des campagnes d'information, nous avons trouvé des donateurs. Ce qui frappe dans Suède , est-ce'aucun enfant n'a voulu avoir accès à l'identité du donneur puisque la loi le permet. Comment expliquer ce phénomène ? Certaines études indiquent que la proportion de couples suédois qui informent les enfants de leur conception est faible. C'est l'un des arguments des opposants à la levée de l'anonymat. Si le don n'est plus anonyme, cela pourrait encourager le secret. Alors que l'anonymat favoriserait l'information pour les enfants.

En France, quel est le point de vue des acteurs concernés ?

PJ : En France, nous n'avons malheureusement pas d'étude de suivi. D'après les travaux du CECOS, aujourd'hui le majorité des futurs parents qui ont eu un enfant après un don de sperme, pensez à les informer de son mode de conception, mais la plupart aimeraient maintenir lel'anonymat des donateurs. Des études dans d'autres pays de personnes demandant l'accès à l'identité des donneurs doivent se rendre à l'évidence. Ils ne cherchent pas seulement la pièce manquante du puzzle. Quelque part, ils attendent plus que cela, ils veulent établir une connexion. Le problème : quelle est la nature du lien qui peut être construit entre le donneur et l'enfant ? Qui va-t-il impliquer au-delà du donateur ?

Aux États-Unis, des sites Internet permettent à toutes les personnes qui ont été conçues avec le sperme d'un même donneur de se rencontrer. Ce qui est recherché n'est pas seulement un lien avec le donneur mais aussi avec des « demi-frères » et « demi-sœurs »

Enfin, si l'enfant a besoin de connaître son parent pour construire son identité, pourquoi devrait-il attendre sa majorité ? Pourquoi l'anonymat ne devrait-il pas être levé plus tôt ? Depuis la naissance ? Ce serait alors un tout nouveau système de parenté qu'il faudrait repenser et construire.

* Centre d'étude et de conservation des ovules et spermatozoïdes humains

Donner et après… La procréation par don de sperme avec ou sans anonymat, Pierre Jouannet et Roger Mieusset, Ed. Springer

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