Témoignage : « Nous avons eu nos deux enfants grâce à la procréation assistée en Espagne »

« J'ai l'impression d'ovuler. Je regardai Cécile, ma femme, incrédule. Nous étions de retour de la clinique de l'aéroport de Madrid, 4 heures après son insémination. Elle avait l'air si sûre d'elle que moi aussi je trouvais que c'était bon. Elle avait raison. L'insémination avait fonctionné du premier coup. Il nous avait fallu un long chemin, tant personnellement qu'en couple, pour en arriver là.

J'ai rencontré Cécile il y a onze ans. Elle a six ans de moins que moi. Nous étions ensemble depuis deux semaines, quand elle m'a demandé si je voulais des enfants. J'ai répondu oui spontanément. Nous avons laissé passer quelques années, puis à l'approche de la quarantaine, j'ai ressenti l'urgence de le faire. Très vite, la question du « père » s'est posée. Nous avons pensé, pour que notre enfant puisse plus tard avoir accès à ses origines, faire une insémination « artisanale* » avec un donneur connu. Mais lorsque nous avons rencontré des donateurs potentiels, nous nous sommes rendu compte qu'il n'était pas juste pour nous d'impliquer un tiers.

Après ça, on n'en a pas parlé pendant un an et demi. Et un matin, juste avant de partir travailler, dans la salle de bain, Cécile m'a dit : « Je veux avoir un enfant et je veux le porter… avant d'avoir 35 ans. Son anniversaire était quelques mois plus tard. J'ai répondu : « C'est bien, je veux un enfant qui te ressemble. Le projet a été lancé. Mais où aller ? La France ne l'autorisait pas pour les couples de femmes. Dans les pays du Nord où les donneurs ne sont pas anonymes, peu d'hommes acceptent de rencontrer réellement les enfants issus de leur don. Nous sommes partis sur un donneur anonyme. Nous avons choisi l'Espagne. Après un premier rendez-vous Skype, nous avons dû faire des examens, mais mon gynécologue de l'époque a refusé de nous suivre. Nous en avons trouvé un autre, hyper bienveillant, qui a accepté de nous accompagner.

Quand je suis arrivé à Madrid, je pensais être dans un film d'Almodovar : tout le personnel attentionné, très sympathique, parle français avec un accent espagnol et vous parle. Le premier test de grossesse, 12 jours plus tard, était négatif. Mais on s'est dit : on en fera un autre demain. Et le lendemain, lorsque nous avons vu apparaître les deux barres, nous étions étrangement calmes. Nous savions dès le départ que cela avait fonctionné. Au quatrième mois de grossesse, quand j'ai dit que je n'avais pas de préférence, quand j'ai su que c'était une petite fille, ça m'a bouleversé. La loi pour le mariage pour tous était votée depuis près de deux ans. Ainsi, trois semaines avant la naissance, j'ai épousé Cécile à la mairie du 18e arrondissement, devant nos familles et amis. La livraison s'est très bien passée. Cléo, de naissance, était belle et ressemblait à sa mère. Au moment du premier bain, 12 heures plus tard, quand l'infirmière nous a demandé si nous en voulions un autre, j'ai dit : « Oh non ! « Et Cécile, en même temps, malgré son épisiotomie et sa déchirure, s'écriait : « Oui, bien sûr ! ".

Ce fut une longue bataille. J'ai eu plein d'arguments. Je pensais que j'étais trop vieux, j'allais avoir 45 ans. Et c'est la détresse de ma femme, qui voulait deux enfants, qui m'a décidé à lui dire oui. Nous sommes retournés en Espagne, et encore une fois cela a fonctionné la première fois. De plus, nous avons pu utiliser le même donneur, à qui nous avions réservé un échantillon. Lorsque nous avons découvert que c'était un petit garçon, nous nous sommes sentis très épanouis. Enfin un petit bonhomme pour compléter notre tribu de femmes ! Et on lui a donné le prénom Nino, auquel on avait pensé dès le départ pour un petit bonhomme.

La PMA pour tous permettrait de sortir de l'hypocrisie actuelle, et aussi pour donner à chacun les mêmes chances. Aujourd'hui, les femmes célibataires ou homosexuelles qui veulent un enfant doivent avoir le budget pour le faire. Heureusement, les choses avancent, puisque bientôt, le projet de loi concernant l'extension de l'ART à toutes les femmes sera présenté au Parlement. Cela permettrait de légitimer le désir d'enfants des couples lesbiens et des femmes célibataires aux yeux du grand public. D'ailleurs, on le sait, une fois la loi votée, le débat n'a plus lieu. Ce serait une manière de lutter contre les risques d'exclusion et les difficultés des enfants concernés à accepter leur différence. "

* Le sperme du donneur est injecté par une seringue (sans aiguille) directement dans le vagin au moment de l'ovulation.

NDLR : Ce témoignage a été recueilli avant le vote de la loi de Bioéthique, qui permet d'étendre la procréation assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires. 

 

En vidéo : La procréation assistée est-elle un facteur de risque pendant la grossesse ?

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