Bébé continue de dire non

Parents.fr : Pourquoi les enfants commencent-ils, vers un an et demi, à dire « non » à tout ?

 Bérengère Beauquier-Macotta : La « phase de non » signe trois changements interdépendants qui sont tous très importants dans le développement psychique de l'enfant. D'abord, il se considère désormais comme un individu à part entière, avec sa propre pensée, et entend bien la faire connaître. Le « non » sert à exprimer ses désirs. Deuxièmement, il a compris que sa volonté était souvent différente de celle de ses parents. L'usage du « non » lui permet, petit à petit, d'entamer une démarche d'empowerment vis-à-vis de ses parents. Troisièmement, l'enfant veut savoir jusqu'où va cette nouvelle autonomie. Il « teste » donc constamment ses parents pour expérimenter leurs limites.

P. : Les enfants sont-ils seulement opposés à leurs parents ?

 BB-M. : D'une manière générale, oui… Et c'est normal : ils perçoivent leurs parents comme la principale source d'autorité. A la crèche ou chez les grands-parents, les contraintes ne sont pas tout à fait les mêmes… Ils assimilent vite la différence.

P. : Les conflits parents-enfants prennent parfois une dimension déraisonnable…

 BB-M. : L'intensité de l'opposition dépend du caractère de l'enfant, mais aussi, et peut-être le plus important, de la façon dont les parents gèrent la crise. Exprimées de manière cohérente, les limites sont rassurantes pour l'enfant. Pour un sujet de « conflit » donné, il faut toujours lui donner la même réponse, que ce soit en présence du père, de la mère ou des deux parents. De plus, si les parents se laissent envahir par leur propre colère et ne prennent pas de sanctions proportionnées à la situation, l'enfant risque alors de s'enfermer dans son opposition. Lorsque les limites fixées sont floues et fluctuantes, elles perdent le côté rassurant qu'elles devraient avoir.

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P. : Mais parfois, quand les parents sont fatigués ou débordés, ils finissent par céder…

 BB-M. : Les parents sont souvent impuissants car ils n'osent pas frustrer l'enfant. Cela le met dans un état d'excitation qu'il ne peut plus contrôler. Cependant, dans certains cas, il est possible de faire certaines concessions. A cet égard, deux types de limites doivent être distingués. Sur les interdits absolus, dans des situations présentant un réel danger ou lorsque les principes pédagogiques auxquels vous attachez une grande importance (ne pas coucher avec papa et maman par exemple) sont en jeu, il convient d'être particulièrement clair et de ne jamais vendre. En revanche, lorsqu'il s'agit de règles « secondaires », qui diffèrent selon les familles (comme l'heure du coucher), il est certainement possible de faire des compromis. Ils peuvent être adaptés au caractère de l'enfant, au contexte, etc. : « D'accord, tu ne vas pas te coucher tout de suite. Vous pouvez exceptionnellement regarder la télévision un peu plus tard car vous n'avez pas école demain. Mais je ne lirai pas d'histoire ce soir. "

P. : Les parents n'en demandent-ils pas trop à leurs enfants ?

 BB-M. : Les exigences des parents doivent bien entendu être adaptées aux capacités de l'enfant. Sinon, il ne se pliera pas et ce ne sera pas par mauvaise volonté.

 Tous les enfants ne se développent pas tous au même rythme. Il faut vraiment prendre en compte ce que tout le monde peut comprendre ou pas.

P. : « emmener l'enfant à son jeu » peut-il constituer une méthode pour retrouver calme et sérénité ?

 BB-M. : Il faut être prudent car ce n'est pas forcément vécu comme un jeu par l'enfant. Cependant, ce ne serait pas bien de jouer avec lui. Lui faire croire que nous lui cédons alors que nous ne lui cédons pas serait totalement contre-productif. Mais, si l'enfant comprend que les parents jouent AVEC lui et que tous partagent ainsi un réel plaisir, cela peut contribuer à l'apaisement de l'enfant. Pour résoudre une crise ponctuelle, et à condition de ne pas en abuser, les parents peuvent tenter de détourner l'attention de l'enfant vers une autre préoccupation.

P : Et si, malgré tout, l'enfant devenait « invivable » ?

 BB-M. : Il faut alors essayer de comprendre ce qui se passe. D'autres facteurs peuvent aggraver les conflits entre l'enfant et ses parents. Ils peuvent être liés au caractère de l'enfant, à son histoire, à l'enfance des parents...

 Dans de tels cas, il est certainement utile d'en parler avec votre pédiatre, qui pourra orienter les parents vers un pédopsychiatre si nécessaire.

P. : Combien de temps dure la phase d'opposition chez l'enfant ?

 BB-M. : Le « no period » est assez limité dans le temps. Il se termine généralement vers trois ans. Durant cette phase, comme lors de la crise d'adolescence, l'enfant se sépare de ses parents et gagne en autonomie. Heureusement, les parents profitent d'une longue accalmie entre les deux !

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