Le dimanche 2 février 2014, une nouvelle édition de la « Manif pour tous » aura lieu à Paris et à Lyon avec comme fil conducteur la défense de la famille, le refus de l'homoparentalité et la dénonciation de la théorie du genre. La question du genre a donné lieu à un mouvement inédit et plutôt surréaliste puisque le 27 janvier, à l'appel d'un collectif jusque-là inconnu, « la Journée du retrait de l'école », des parents ont décidé de boycotter l'école. l'école et garder leurs enfants à la maison. Retour sur cet épisode aussi étrange qu'inquiétant.

27 janvier 2014, les parents boycottent l'école de la République

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L'initiative a surpris, car elle est sortie de nulle part. Le 27 janvier 2014, partout en France, des parents ont refusé d'envoyer leurs enfants à l'école. Un mouvement loin d'être massif, une centaine d'écoles concernées, mais dispersé dans tout le pays. Ces parents ont suivi l'appel au boycott lancé par le collectif "Journée du retrait de l'école" (JRE). La plupart d'entre elles ont reçu la veille ou quelques jours plus tôt un SMS (ci-contre, sur le site de France Tv Info) dont le contenu semble a priori être une blague mais qui a vraiment effrayé ces familles. : « Le choix est simple, soit on accepte la « théorie du genre » (ils apprendront à nos enfants qu'ils ne sont pas nés fille ou garçon mais qu'ils choisissent de le devenir !!! Sans parler de l'éducation sexuelle) prévue pour la maternelle à la rentrée 2014 avec démonstration et formation à la masturbation de la crèche ou de la garderie…), ou nous défendons l'avenir de nos enfants. La communauté musulmane semble avoir été particulièrement visée par ces messages. « Les parents se sont vite rendu compte de l'énormité du discours mais il a quand même eu un réel impact sur certaines communautés », déplore Paul Raoult, président de la FCPE.. Avant d'évoquer les menaces reçues par mail : « à la mode « Tu la fermes, on sait ce que tu fais », laissant entendre que ces personnes sont au courant de tout et prêtes à réagir ». 

Théorie du genre : fusion dans le programme

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La « Journée du retrait de l'école » s'insurge contre la volonté supposée du gouvernement d'introduire la théorie du genre dans les écoles françaises. Il cible spécifiquement le programme « ABCD pour l'égalité », qui est actuellement testé dans 600 établissements. Ce système entend lutter contre les « inégalités filles-garçons ». Voici une explication sur le portail du gouvernement : » Transmettre les valeurs d'égalité et de respect entre filles et garçons, femmes et hommes, est l'une des missions essentielles de l'école. Cependant, des inégalités de réussite scolaire, d'orientation et de carrière professionnelle subsistent entre les deux sexes.. L'ambition du programme égalité ABCD est de lutter contre elles en agissant sur les représentations des élèves et les pratiques des acteurs de l'éducation ». Plus loin, il est aussi écrit : « Il s'agit de faire prendre conscience aux enfants des limites qu'ils se fixent, des phénomènes trop fréquents d'autocensure, de leur donner confiance en eux, de leur apprendre à grandir dans la environnement. le respect des autres. Pour le ministère de l'Éducation, l'objectif est de renforcer l'éducation au respect mutuel et à l'égalité entre filles et garçons, femmes et hommes, et l'engagement pour une mixité plus forte. cours de formation et à tous les niveaux d'études. Les enseignants bénévoles ont d'abord été formés pour leur faire prendre conscience que même inconsciemment, ils pouvaient enfermer les enfants dans des stéréotypes de genre. Depuis quelques jours, les écoliers participant à ce programme sont à leur tour initiés à ces questions au travers d'ateliers « ludiques » adaptés à leur âge. Il n'est pas question de sexualité mais de princesses et de chevaliers, de métiers ou d'activités considérées comme féminines ou masculines, de modes vestimentaires à travers l'histoire. Pour le collectif de la « Journée du retrait de l'école », les ABCD constituent un cheval de Troie qui permettra aux théories du genre d'investir l'école.. Des théories du genre qui marquent pour ce collectif la fin de l'identité sexuelle, la décadence du monde moderne et la disparition de la famille. Au moins. Vincent Peillon a assuré qu'il n'était pas du tout favorable à la théorie du genre et qu'il ne s'agissait pas de cela avec l'ABCD de l'égalité. C'était certainement une erreur de la part du ministre. Car non seulement « la » théorie du genre ne veut rien dire (il existe des « études » sur la question du genre, lisez les explications d'Anne Emmanuelle Berger à ce sujet), mais en plus le travail sur le genre a pour objet l'analyse entre l'identité de genre et les stéréotypes sociaux qui lui sont associés. C'est de cela dont on parle avec les ABCD. En revanche, ce programme ne parle pas de sexualité, encore moins d'initiation à la sexualité ou à l'homosexualité.

Pour les parents militants des JRE, la cause est entendue, l'école française est à la solde d'associations de défense des gais et lesbiennes, elle entend éduquer les enfants à la sexualité dès le plus jeune âge, les endoctriner et les pervertir. En réaction, ces parents ont donc décidé que désormais, une fois par mois, ils boycotteraient une journée d'école. On aurait aimé savoir si le Conseil national des JRE fustige les ABCD simplement parce qu'elles constitueraient un camouflage des théories du genre, ou s'il considère que la lutte contre les stéréotypes sexistes est dangereuse en tant que telle. Le Conseil National des JRE n'a souhaité nous répondre, ni aucun des 59 comités locaux sollicités par mail. 

Ce que dit Farida Belghoul

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A l'origine de la Journée du retrait de l'école, une femme, Farida Belghoul, écrivaine, cinéaste, figure de la Marche des Beurs de 1984. Son mouvement s'inscrit dans la vaste constellation d'associations familiales très conservatrices, de stages intégristes et/ ou d'extrême droite. Dans un communiqué consultable sur, Farida Belghoul exhorte ses partisans à se rapprocher des représentants de Manif pour Tous, de l'association Egalité et Réconciliation (dont le président est Alain Soral), du Printemps Français, d'Action Française, etc. complètement clair. Dans les textes disponibles sur le site officiel du JRE, le discours de Farida Belghoul fait figure de raison et de modération. Dans les lieux où elle répond aux questions d'un « coach » spécialisé en éducation familiale (qu'elle pratique également), Farida Belghoul développe un sujet foisonnant et nébuleux proche de la gloubi boulga, qui puise à la fois dans les théories du complot (maçonnique), du millénarisme et du « déclinisme », qui s'articule autour d'une grande alliance entre musulmans et catholiques et qui s attaque avec constance à l'esprit des Lumières.

Petite anthologie de ses pensées, car rien ne vaut l'original pour bien comprendre de quoi il s'agit :

« Les forces obscures précipitent la fin du cycle et nous avons besoin d'une élite éclairée »

« Les Lumières ne peuvent pas gagner puisque par définition, ils ne prennent pas l'éternité comme leur avenir. Après avoir emporté nos dieux, nos parents, nos professeurs d'école, notre attachement au paradis, ils veulent nous enlever notre identité sexuelle ».

« L'alliance islamo-catholique est la seule qui peut nous faire gagner ».

« Sous l'impact des Lumières et de la maçonnerie, le monde a changé. La France a aujourd'hui d'autres religions que le catholicisme. Il faut faire le tri car ce que nous avons aujourd'hui au menu de la spiritualité est malheureux ».

« Il n'y aura pas de pays où nous pourrons fuir. Quand la France aura sombré avec la théorie du genre, les pays du Maghreb s'effondreront à leur tour. "

« Ces gens ne se limitent pas comme Descartes à imaginer que l'homme n'est que matière. Il s'agit d'une sainteté diabolique au sens d'une perfection de l'âme, qui connaît l'existence de l'âme et de l'esprit ».

« Les hommes doivent redevenir nos protecteurs, des guerriers, des hommes pieux qui ont le sens du sacrifice. L'homme doit redevenir le guide de la famille, le chef de famille. C'est une catastrophe que des femmes soient devenues chefs de famille. Toute femme chef de famille en perd la moitié voire les trois quarts. L'homme n'est pas supérieur à la femme, il est avant elle. Cette antériorité lui confère des devoirs supplémentaires. La femme est contenue dans l'homme, l'homme doit récupérer ses prérogatives et son pouvoir sur tout. "

On peut choisir d'en rire. Ou pas.

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