Pollution aux pesticides : « Il faut protéger le cerveau de nos enfants »

Pollution aux pesticides : « Il faut protéger le cerveau de nos enfants »

Pollution aux pesticides : « Il faut protéger le cerveau de nos enfants »
Les aliments bio sont-ils meilleurs pour la santé ? C'est la question posée par des députés européens à un groupe d'experts scientifiques le 18 novembre 2015. L'occasion pour le professeur Philippe Grandjean, spécialiste des questions de santé liées à l'environnement, de lancer un message d'alerte aux décideurs européens. Pour lui, le développement cérébral des enfants pourrait être sérieusement compromis sous l'effet des pesticides utilisés en Europe.

Philippe Grandjean se dit " très inquiet " les niveaux de pesticides auxquels les Européens sont soumis. Selon lui, chaque Européen ingère en moyenne 300 g de pesticides par an. 50% des aliments que nous consommons régulièrement (fruits, légumes, céréales) auraient les résidus d'un pesticide et 25% seraient contaminés par plusieurs de ces produits chimiques.

Le risque majeur réside dans la synergie des effets des pesticides, qui selon le médecin-chercheur, n'est pas suffisamment pris en compte par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Pour l'instant, celui-ci établit des seuils de toxicité pour chaque pesticide (y compris les insecticides, les fongicides, les herbicides, etc.) pris séparément.

 

L'impact des pesticides sur le développement du cerveau

Selon le professeur Grandjean, c'est sur « Notre organe le plus précieux », le cerveau, que ce cocktail de pesticides causerait les dégâts les plus désastreux. Cette vulnérabilité est d'autant plus importante lorsque le cerveau se développe « C'est le fœtus et l'enfant en bas âge qui en souffrent ».

Le scientifique fonde ses propos sur une série d'études menées sur de jeunes enfants à travers le monde. L'un d'eux a comparé le développement cérébral de deux groupes d'enfants de 5 ans présentant des caractéristiques similaires en termes de génétique, d'alimentation, de culture et de comportement.1. Bien que venant de la même région du Mexique, l'un des deux groupes a été soumis à des niveaux élevés de pesticides, tandis que l'autre ne l'a pas fait.

Résultat : les enfants exposés aux pesticides ont montré une diminution de l'endurance, de la coordination, de la mémoire à court terme ainsi que de la capacité de dessiner une personne. Ce dernier aspect est particulièrement évident. 

Lors de la conférence, le chercheur cite une série de publications toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Une étude montre par exemple que l'augmentation progressive de la concentration de pesticides organophosphorés dans les urines de femmes enceintes est corrélée à la perte de 5,5 points de QI chez les enfants à l'âge de 7 ans.2. Un autre montre clairement sur l'imagerie des cerveaux endommagés par l'exposition prénatale au chlorpyrifos (CPF), un pesticide couramment utilisé3.

 

Agir selon le principe de précaution

Malgré ces résultats alarmants, le professeur Grandjean estime que trop peu d'études se penchent actuellement sur le sujet. De plus, il juge que « l'EFSA [Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire] doit prendre au sérieux les études sur la neurotoxicité des pesticides avec autant d'intérêt que celles sur le cancer. 

Fin 2013, cependant, l'EFSA avait reconnu que l'exposition des Européens à deux insecticides – l'acétamipride et l'imidaclopride – pouvait nuire au développement des neurones et des structures cérébrales associées à des fonctions telles que l'apprentissage et la mémoire. Au-delà d'une baisse des valeurs toxicologiques de référence, les experts de l'agence ont souhaité rendre obligatoire le dépôt d'études sur la neurotoxicité des pesticides avant d'autoriser leur utilisation sur les cultures européennes.

Pour le professeur, attendre les résultats des études ferait perdre trop de temps. Les décideurs européens doivent agir rapidement. « Doit-on attendre une preuve absolue pour protéger ce qui a le plus de valeur ? Je pense que le principe de précaution s'applique très bien à ce cas et que la protection des générations futures est importante dans la prise de décision. "

« J'envoie donc un message fort à l'EFSA. Nous devons protéger nos cerveaux plus vigoureusement à l'avenir » martèle le scientifique. Et si on commençait par manger bio ?

 

 

Philippe Grandjean est professeur de médecine à l'Université d'Odense au Danemark. Ancien conseiller auprès de l'OMS et de l'EFSA (Agence européenne de sécurité des aliments), il a publié un livre sur l'impact de la pollution environnementale sur le développement du cerveau en 2013 « Uniquement par hasard - Comment la pollution environnementale nuit au développement du cerveau - et comment protéger le cerveau de la prochaine génération » Oxford University Press.

Accéder à la retransmission de l'atelier organisé le 18 novembre 2015 par l'Unité d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (STOA) du Parlement européen.

Soyez sympa! Laissez un commentaire