L'impact de l'environnement sur l'identité de genre des enfants

Un rapport de l'IGAS propose un « pacte éducatif pour les enfants » afin de lutter contre les stéréotypes sexistes dans les structures d'accueil. Des recommandations qui relanceront sans aucun doute le débat brûlant sur les théories du genre.

Photos du catalogue des magasins U de décembre 2012

L'Inspection générale des affaires sociales vient de rendre son rapport sur « L'égalité entre filles et garçons dans l'accueil de la petite enfance » demandé par Najat Vallaud Belkacem. Le rapport fait le constat suivant : toute politique en faveur de l'égalité se heurte à un obstacle majeur, la question des systèmes de représentation qui assignent hommes et femmes à des comportements genrés. Une mission qui semble se développer dès la toute petite enfance, notamment dans les modes d'accueil. Pour Brigitte Grésy et Philippe Georges, les puéricultrices et assistantes maternelles affichent une volonté de totale neutralité. En effet, ces professionnels adaptent néanmoins leur comportement, même inconsciemment, au sexe de l'enfant.Les petites filles seraient moins stimulées, moins encouragées dans les activités collectives, moins encouragées à participer aux jeux de construction. Le sport et l'usage du corps constitueraient aussi un creuset d'apprentissages genrés : « beau à voir », sports individuels d'une part, « quête de réussite », sports collectifs d'autre part. Les rapporteurs évoquent aussi l'univers « binaire » des jouets, avec des jouets de filles plus restreints, plus pauvres, souvent réduits au périmètre des activités domestiques et maternelles. Dans la littérature jeunesse et la presse, le masculin l'emporte également sur le féminin.78% des couvertures de livres présentent un personnage masculin et dans les œuvres mettant en scène des animaux l'asymétrie est établie dans un rapport de un à dix. C'est pourquoi le rapport de l'IGAS prône la mise en place d'un « pacte éducatif pour les enfants » pour sensibiliser le personnel et les parents.

En décembre 2012, les magasins U ont diffusé un catalogue de jouets « unisexes », le premier du genre en France.

Un débat qui monte

Des initiatives locales ont déjà vu le jour. A Saint-Ouen, la crèche Bourdarias a déjà beaucoup attiré l'attention. Les petits garçons jouent avec des poupées, les petites filles font des jeux de construction. Les livres lus comportent autant de personnages féminins que masculins. Le personnel est mixte. A Suresnes, en janvier 2012, dix-huit agents du secteur de l'enfance (médiathèque, crèches, centres de loisirs) ont suivi une première formation pilote visant à prévenir le sexisme par la littérature jeunesse. Et puis, souviens-toi,lors du dernier Noël, les magasins U ont fait le buzz avec un catalogue mettant en scène des garçons avec des bébés et des filles avec des jeux de construction.

La question de l'égalité et des stéréotypes de genre est de plus en plus débattue en France et voit s'affronter politiques, scientifiques, philosophes et psychanalystes. Les échanges sont vifs et complexes. Si les petits garçons disent « vroum vroum » avant de prononcer « maman », si les petites filles adorent jouer avec les poupées, est-ce lié à leur sexe biologique, à leur nature, ou à l'éducation qui leur est donnée, alors ? à la culture ? Selon les théories du genre qui ont émergé aux États-Unis dans les années 70, et qui sont au cœur des réflexions actuelles en France, la différence anatomique des sexes ne suffit pas à expliquer la manière dont les filles et les garçons, les femmes et les hommes, finissent par s'en tenir aux représentations assignées à chaque sexe. Le genre et l'identité sexuelle sont plus une construction sociale qu'une réalité biologique. Non, les hommes ne viennent pas de Mars et les femmes ne viennent pas de Vénus. jePour ces théories, il ne s'agit pas de nier la différence biologique initiale mais de la relativiser et de comprendre dans quelle mesure cette différence physique conditionne ensuite les rapports sociaux et les rapports d'égalité.. Lorsque ces théories ont été introduites dans les manuels scolaires de SVT en 2011, il y a eu de nombreuses protestations. Des pétitions ont circulé remettant en cause la validité scientifique de cette recherche, plus idéologique.

L'avis des neurobiologistes

Les anti-théories du genre brandiront le livre de Lise Eliot, neurobiologiste américaine, auteur de « Pink brain, blue brain : do neurones have a sex ? ". Par exemple, elle écrit : « Oui, les garçons et les filles sont différents. Ils ont des intérêts différents, des niveaux d'activité différents, des seuils sensoriels différents, des forces physiques différentes, des styles relationnels différents, des capacités de concentration différentes et des aptitudes intellectuelles différentes ! (…) Ces différences entre les sexes ont des conséquences réelles et posent d'énormes défis aux parents. Comment soutenir nos fils ainsi que nos filles, les protéger et continuer à les traiter équitablement, alors que leurs besoins sont clairement si différents ? Mais ne vous y fiez pas. Ce que le chercheur développe avant tout, c'est que les différences qui existent initialement entre le cerveau d'une petite fille et celui d'un petit garçon sont minimes. Et que les différences entre les individus sont bien plus importantes que celles entre les hommes et les femmes.

Les défenseurs d'une identité de genre fabriquée culturellement peuvent également se référer à une neurobiologiste française renommée, Catherine Vidal. Dans une chronique publiée en septembre 2011 dans Libération, elle écrit : « Le cerveau fabrique constamment de nouveaux circuits neuronaux basés sur l'apprentissage et l'expérience vécue. (…) Le nouveau-né humain ne connaît pas son sexe. Il apprendra certes très tôt à distinguer le masculin du féminin, mais ce n'est qu'à partir de 2 ans et demi qu'il pourra s'identifier à l'un des deux sexes. Cependant, depuis sa naissance, il évolue dans un environnement genré : la chambre, les jouets, les vêtements et le comportement adulte sont différents selon le sexe du jeune enfant.C'est l'interaction avec l'environnement qui va orienter les goûts, les aptitudes et contribuer à forger des traits de personnalité selon les modèles masculins et féminins donnés par la société. ».

Tout le monde s'implique

Les arguments ne manquent pas de part et d'autre. De grands noms de la philosophie et des sciences humaines ont pris position dans ce débat. Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, éthologue, a fini par descendre dans l'arène pour fustiger les théories du genre, n'y voyant qu'une idéologie véhiculant « une haine du genre ». " C'est plus facile d'élever une fille qu'un garçon, assurait-il au Point en septembre 2011. D'ailleurs, en consultation de pédopsychiatrie, il n'y a que des petits garçons, dont l'évolution est beaucoup plus difficile. Certains scientifiques expliquent ce changement par la biologie. La combinaison des chromosomes XX serait plus stable, car une altération sur un X pourrait être compensée par l'autre X. La combinaison XY serait en difficulté évolutive. Ajoutez à cela le rôle majeur de la testostérone, l'hormone de l'audace et du mouvement, et non de l'agressivité, comme on le croit souvent. » Sylviane Agacinski, philosophe, a également émis des réserves. « Quiconque ne dit pas aujourd'hui que tout est construit et artificiel est accusé d'être un « naturaliste », de tout réduire à la nature et à la biologie, ce que personne ne dit ! » (Famille chrétienne, juin 2012).

En octobre 2011, devant la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, Françoise Héritier, grande figure de l'anthropologie, est venue argumenter que les normes, exprimées plus ou moins consciemment, ont une influence considérable sur l'identité de genre des individus. Elle donne plusieurs exemples pour étayer sa démonstration. Un test de motricité, d'abord, réalisé sur des bébés de 8 mois en dehors de la présence de la mère puis en sa présence ensuite. En l'absence des mères, on fait ramper les enfants sur un plan incliné. Les filles sont plus téméraires et montent des pentes plus raides. Les mères sont alors appelées et doivent elles-mêmes ajuster l'inclinaison de la planche en fonction des capacités estimées des enfants. Résultats : ils surestiment de 20° les capacités de leurs fils et sous-estiment de 20° celles de leurs filles.

D'autre part, la romancière Nancy Houston a publié en juillet 2012 un livre intitulé "Reflections in a man's eye" dans lequel elle s'agace des postulats sur le genre "social", prétend que les mâles n'ont pas les mêmes désirs et les mêmes comportement sexuel en tant que femmes et que si les femmes veulent plaire aux hommes ce n'est pas par aliénation.La théorie du genre, selon elle, serait « un rejet angélique de notre animalité ». Cela fait écho aux propos de Françoise Héritier devant les parlementaires : « De toutes les espèces animales, l'homme est la seule où les mâles frappent et tuent leurs femelles. Un tel gaspillage n'existe pas dans la « nature » animale. La violence meurtrière contre les femmes au sein de sa propre espèce est un produit de la culture humaine et non de sa nature animale ».

Cela ne nous aide certes pas à trancher sur l'origine du goût immodéré des petits garçons pour les voitures, mais qui rappelle à quel point, dans ce débat, les pièges sont fréquents pour parvenir à identifier la part du culturel et du naturel.

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