Enfants précoces : entretien avec Anne Débarède

« Mon enfant ne va pas bien en classe parce qu'il s'ennuie là-bas parce qu'il est trop intelligent », comment expliquez-vous que cette opinion soit de plus en plus répandue ?

Autrefois, les gens pensaient que « mon enfant ne réussit pas bien à l'école, il n'est pas assez intelligent ». La logique s'est inversée pour devenir aujourd'hui un véritable phénomène de mode. C'est paradoxal, mais surtout plus satisfaisant pour le narcissisme de chacun ! Généralement, les parents trouvent les capacités de leur petit remarquables, surtout lorsqu'il s'agit de leur premier enfant, en raison de l'absence de points de comparaison. Ils sont par exemple impressionnés lorsqu'on se contente des nouvelles technologies, car eux-mêmes sont réticents en raison de leur âge. En fait, les enfants comprennent comment cela fonctionne plus rapidement car ils ne sont pas inhibés.

Comment savoir qu'un enfant est doué ?

Avons-nous vraiment besoin de catégoriser les enfants? Chaque cas est individuel et il ne faut pas oublier que les « surdoués » ou enfants considérés comme précoces, définis par un QI (quotient intellectuel) supérieur à 130, ne représentent que 2% de la population. Les parents impressionnés par les capacités de leur enfant se précipitent souvent vers un spécialiste pour faire évaluer son QI. Cependant, il ne s'agit que d'un concept statistique très compliqué, qui permet d'établir un classement, à un instant donné, des enfants entre eux. Tout dépend du groupe formé pour établir la comparaison. Le QI est utile pour les professionnels, mais je pense qu'il ne devrait pas être révélé aux parents sans explications spécifiques. Sinon, ils s'en servent pour justifier la cause de tous les problèmes de leur enfant, notamment dans le domaine scolaire, sans chercher à comprendre.

La précocité intellectuelle s'accompagne-t-elle nécessairement de difficultés scolaires ?

Non. Certains enfants très intelligents n'ont pas de problème à l'école. La réussite scolaire dépend de plusieurs facteurs. Les enfants performants sont avant tout les plus motivés et les plus travailleurs. N'expliquer l'échec scolaire que par trop d'intelligence n'est absolument pas scientifique. Les mauvais résultats scolaires peuvent aussi être dus à un mauvais enseignant ou au fait que les matières dans lesquelles l'enfant est le plus compétent ne sont pas prises en compte.

Comment aider un enfant précoce dans sa scolarité ?

Il faut essayer de comprendre. Tous les enfants sont différents. Certains rencontrent des difficultés particulières, dans le domaine du graphisme par exemple. Parfois, c'est juste leur façon de faire qui déroute leur professeur, par exemple lorsque l'enfant trouve le bon résultat sans suivre ses instructions. Je suis contre le regroupement des enfants par niveaux et classes spécialisées. Par contre, l'entrée directement en classe supérieure, par exemple en CP si l'enfant sait lire à la fin de la section moyenne de maternelle, pourquoi pas… Il est important que psychologues, parents et enseignants travaillent en liaison pour que cette marche.

Déplorez-vous aussi le côté négatif attribué à l'ennui ?

Lorsqu'un enfant n'est pas occupé à faire quelque chose, ses parents pensent qu'il s'ennuie et donc malheureux. Dans tous les milieux sociaux, ils sont ainsi inscrits à de multiples activités ou dans un centre climatisé sous prétexte que le judo les calme, la peinture améliore leur dextérité, le théâtre leur capacité d'expression… Du coup, les enfants sont hyper occupés et ne avoir le temps de respirer. Cependant, leur laisser cette possibilité est essentiel car c'est grâce aux moments de non-activité qu'ils peuvent développer leur imaginaire.

Pourquoi avoir choisi de montrer le parcours d'un seul enfant tout au long du livre ?

Il s'agit d'un enfant composite de plusieurs enfants que j'ai reçu en consultation. En montrant comment on peut travailler avec cet enfant à partir de son histoire personnelle, celle de ses parents, sa langue, j'ai voulu le faire vivre, sans tomber dans la caricature. Choisir un enfant issu d'un milieu social privilégié était plus facile car dans ce type de famille, il y a souvent un oncle ou un grand-père illustre qui sert de référence et d'attente de reproduction de la part des parents à leur progéniture. Mais j'aurais tout aussi bien pu choisir un enfant issu d'un milieu social inférieur, dont les parents se sacrifient pour suivre l'exemple d'une tante devenue institutrice du village.

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