Notre fils adoptif a mis deux ans à s'adapter

Avec Pierre, notre fils adoptif, la période d'adaptation a été difficile

Lydia, 35 ans, a adopté un petit garçon de 6 mois. Les deux premières années ont été difficiles à vivre, Pierre présentant des problèmes de comportement. A force de patience, aujourd'hui il se porte bien et vit heureux avec ses parents.

La première fois que j'ai pris Pierre dans mes bras, j'ai cru que mon cœur allait exploser tellement j'étais ému. Il me regardait avec ses grands yeux magnifiques sans rien montrer. Je me suis dit que c'était un enfant calme. Notre petit garçon avait alors 6 mois et il vivait dans un orphelinat au Vietnam. Une fois arrivés en France, notre vie ensemble a commencé et là, j'ai réalisé que les choses n'allaient pas forcément être aussi simples que je l'espérais. Bien sûr, mon mari et moi savions qu'il y aurait une période d'adaptation, mais nous avons été rapidement dépassés par les événements.

Loin d'être paisible, Pierre pleurait presque tout le temps… Ses pleurs incessants, jour et nuit, me déchiraient le cœur et m'épuisaient. Une seule chose le calma, un petit jouet faisant de la musique douce. Souvent, il refusait ses biberons et, plus tard, la nourriture pour bébé. Le pédiatre nous a expliqué que sa courbe de croissance restait dans les normes, il fallait être patient et ne pas s'inquiéter. Par contre, ma plus grande douleur était qu'il évitait mon regard et celui de mon mari. Il tournait totalement la tête quand nous l'avons serré dans nos bras. Je pensais que je ne savais pas comment faire et j'étais très en colère contre moi-même. Mon mari essayait de me rassurer en me disant qu'il fallait que je laisse le temps pour le temps. Ma mère et ma belle-mère se sont impliquées en nous donnant des conseils et cela m'a agacé au plus haut point. J'avais l'impression que tout le monde savait comment s'occuper d'un enfant sauf moi !

Ensuite, certains de ses comportements m'ont beaucoup inquiété : assis, il pouvait se balancer pendant des heures si nous n'intervenions pas. À première vue, ce balancement l'a calmé car il ne pleurait plus. Il semblait être dans un monde à lui, les yeux sombres.

Pierre a commencé à marcher vers 13 mois et ça m'a rassuré d'autant plus qu'il a ensuite joué un peu plus. Cependant, il pleurait encore beaucoup. Il ne s'est calmé que dans mes bras et les sanglots ont recommencé dès que j'ai eu envie de le remettre au sol. Tout a changé la première fois que je l'ai vu se cogner la tête contre le mur. Là, j'ai bien compris qu'il n'allait pas bien du tout. J'ai décidé de l'emmener voir un pédopsychiatre. Mon mari n'était pas vraiment convaincu, mais il était aussi très inquiet et il m'a laissé faire. Nous avons donc emmené notre petit garçon ensemble chez le psy.

Bien sûr, j'avais lu plein de livres sur l'adoption et ses difficultés. Mais j'ai découvert que les symptômes de Peter allaient au-delà des problèmes d'un enfant adopté luttant pour s'habituer à sa nouvelle maison. Un de mes amis m'avait suggéré, très maladroitement, qu'il pourrait être autiste. J'ai alors cru que le monde allait s'effondrer. Je sentais que je ne pourrais jamais accepter cette terrible situation si elle s'avérait vraie. Et en même temps, je me sentais très coupable en me disant que s'il avait été mon enfant biologique, j'aurais tout supporté ! Après quelques séances, la pédopsychiatre m'a dit qu'il était trop tôt pour poser un diagnostic, mais qu'il ne fallait pas perdre espoir. Elle s'était déjà occupée d'enfants adoptés et elle parlait du « syndrome de l'abandon » chez ces enfants déracinés. Les démonstrations, m'a-t-elle expliqué, étaient spectaculaires et pouvaient effectivement faire penser à l'autisme. Elle m'a un peu rassuré en me disant que ces symptômes allaient progressivement disparaître lorsque Pierre commencerait à se reconstruire psychiquement avec ses nouveaux parents, nous en l'occurrence. En effet, chaque jour, il pleurait un peu moins, mais il avait encore du mal à croiser mon regard et celui de son père.

Néanmoins, J'ai continué à me sentir comme une mauvaise mère, j'ai senti que quelque chose m'avait manqué au début de l'adoption. Je n'ai pas très bien vécu cette situation. Le pire a été le jour où j'ai pensé à abandonner : je me sentais incapable de continuer à l'élever, c'était sûrement mieux de lui trouver une nouvelle famille. Nous n'avons peut-être pas été les parents pour lui. Je l'aimais beaucoup et je ne pouvais pas supporter qu'il se fasse du mal. Je me sentais tellement coupable d'avoir eu cette pensée, même fugace, que j'ai décidé d'entreprendre moi-même une psychothérapie. Je devais définir mes limites, mes envies réelles et surtout me calmer. Mon mari, qui exprime rarement ses émotions, m'a objecté que je prenais les choses trop au sérieux et que notre fils irait bientôt mieux. Mais j'avais tellement peur que Pierre soit autiste que je ne savais pas si j'aurais le courage de supporter cette épreuve. Et plus je pensais à cette possibilité, plus je m'en voulais. Cet enfant, je l'avais voulu, alors je devais l'assumer.

Nous nous sommes alors armés de patience car les choses sont revenues à la normale très lentement. Je savais que ça allait beaucoup mieux le jour où nous avons finalement partagé un vrai look. Pierre ne détourna plus le regard et accepta mes câlins. Quand il a commencé à parler, vers 2 ans, il a arrêté de se cogner la tête contre les murs. Sur les conseils du psy, je l'ai mis en maternelle, à mi-temps, quand il avait 3 ans. Je redoutais beaucoup cette séparation et me demandais comment il allait se comporter à l'école. Il est d'abord resté dans son coin puis, petit à petit, il est allé vers les autres enfants. Et c'est à ce moment-là qu'il a arrêté de se balancer d'avant en arrière. Mon fils n'était pas autiste, mais il a dû vivre des choses très difficiles avant son adoption et cela expliquait son comportement. Je me suis longtemps reproché d'avoir imaginé, ne serait-ce qu'un seul instant, m'en séparer. Je me sentais lâche d'avoir eu de telles pensées. Ma psychothérapie m'a beaucoup aidé à me prendre en main et à me libérer de la culpabilité.

Aujourd'hui, Pierre a 6 ans et il est plein de vie. Il est un peu capricieux, mais rien à voir avec ce que nous avons vécu avec lui les deux premières années. Nous lui avons bien sûr expliqué que nous l'avions adopté et que s'il voulait un jour partir au Vietnam, nous serions à ses côtés. Adopter un enfant est un geste d'amour, mais cela ne garantit pas que les choses se passeront bien. L'essentiel est de garder espoir quand c'est plus compliqué qu'on ne l'imaginait : notre histoire le prouve, tout peut s'arranger. Maintenant, nous avons chassé les mauvais souvenirs et nous sommes une famille heureuse et unie.

CITATIONS RECUEILLIES PAR GISELE GINSBERG

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