Parents : est-ce normal de ne pas aimer ses enfants de la même manière ?

« Est-ce que je vais l'aimer autant ? » », Une question que l'on se pose immanquablement un jour où l'on attend notre deuxième bébé. Logiquement, on connaît déjà le premier, on l'aime beaucoup, comment arriver à donner autant d'amour à ce petit être qu'on ne connaît pas encore ? Et si c'était normal ? Mise à jour avec notre expert.

Parents : Peut-on aimer ses enfants autant mais… différemment ?

Florence Millot : Pourquoi ne pas simplement accepter l'idée que vous n'aimez jamais autant vos enfants, ou de la même manière ? Après tout, ce ne sont pas les mêmes personnes, ils nous envoient forcément quelque chose de différent selon leur tempérament, nos attentes, mais aussi le contexte de leur naissance. Se retrouver au chômage ou dans une relation en difficulté à la naissance du second par exemple peut rendre l'attachement plus complexe. A l'inverse, si le plus jeune nous ressemble beaucoup, cela peut inconsciemment nous rassurer, favoriser le lien.

Forger des liens solides peut aussi prendre des jours, des semaines, des mois, voire quelques années pour certaines mamans. Et le fait que notre société sanctifie l'image de la mère parfaite chérissant son bébé dès la naissance ne nous facilite pas la tâche...

 

Est-ce grave de préférer un de vos enfants ?

FM : Même si tous les parents ne le réalisent pas forcément ou ne refusent pas de l'admettre, nous aimons chacun de nos enfants pour des raisons différentes et à des degrés divers, que cela nous plaise ou non. Contrairement à nos amis, nous ne choisissons pas nos enfants, nous nous adaptons à eux, alors, quand on répond mieux à nos attentes, on gardera naturellement plus de complicité avec lui. L'important est que chaque enfant trouve son compte affectif entre son père, sa mère et les autres membres de la famille, s'efforcer de les aimer de la même manière est aussi impossible qu'inutile puisque, selon leur âge ou leur caractère, les enfants ne ont les mêmes besoins d'amour et d'attention et ne les expriment pas de la même manière.

Quand doit-on en parler ?

FM : Lorsque notre comportement suscite des jalousies fraternelles – même si, bien sûr, il y en a dans toutes les familles, n'importe quel membre de la fratrie a besoin de se sentir unique – et que l'enfant nous raconte ce qu'il ressent d'être moins aimé ou d'avoir du mal à trouver sa place, il faut en parler. Quitte à consulter un spécialiste pour nous accompagner, pour nous aider à trouver les mots justes, car c'est encore un sujet très tabou. Quelle mère voudrait avouer à son enfant qu'elle a effectivement plus de crochets avec son frère ou sa sœur ? Cette aide extérieure pourra également nous rassurer sur un point crucial : c'est bien de ne pas les aimer de la même manière, et cela ne fait pas de nous de mauvais parents !

En discuter avec notre entourage, nos amis, nous aidera aussi à dédramatiser la situation et à nous rassurer : d'autres aussi peuvent en avoir assez de leur progéniture ou être traversés par des sentiments ambivalents, et cela ne les empêche pas d'aimer leurs enfants. .

Comment puis-je éviter de blesser mon enfant?

FM : Parfois on ne se rend pas compte que notre attitude donne à l'enfant l'impression d'être moins aimé que son frère ou sa sœur. S'il vient se plaindre, on commence par lui demander dans quelles situations il s'est senti laissé de côté, pour rectifier la situation et le rassurer au mieux. Alors, en plus des bisous et des câlins, pourquoi ne pas penser à des activités dans lesquelles nous pourrons nous retrouver et partager des moments privilégiés ?

Il ne s'agit pas de se comporter de manière identique avec vos enfants. Au contraire, acheter les mêmes cadeaux ou faire des câlins en même temps risque de créer une rivalité entre les frères et sœurs, qui tenteront de se démarquer à nos yeux. Aussi, notre aînée de 11 ans n'a pas forcément les mêmes besoins affectifs que sa sœur de 2 ans. L'essentiel est que chacun se sente aimé, valorisé sur ses singularités respectives : sport, études, qualités humaines, etc.

Témoignage d'Anne-Sophie : « L'aînée a eu l'exclusivité pendant sept ans ! "

Louise, ma grande, est une jeune fille très sensible, assez timide, discrète… Elle avait hâte, vers 5-6 ans, d'avoir un petit frère ou une petite sœur… Pauline, c'est une enfant qui prend sa place sans demander si ça dérange, non filtré, très spontané et très déterminé.

Autant dire que les deux ne sont pas très complices... Très jalouse, Louise a toujours "rejeté" plus ou moins sa sœur. On plaisante souvent en lui disant qu'elle a de la chance de ne pas avoir six frères et sœurs… On essaie aussi de lui expliquer qu'elle a eu l'exclusivité pendant 7 ans. Si elle avait eu un petit frère, cela aurait pu être différent. Elle n'aurait pas déjà dû léguer tant de choses à la petite : des jouets, des vêtements, des livres… »

Anne-Sophie,  38 ans, maman de Louise, 12 ans, et Pauline, 5 ans et demi

Cela peut-il changer avec le temps ?

FM : Rien n'est jamais figé, les liens évoluent de la naissance à l'âge adulte. Une mère peut préférer un de ses enfants quand il est petit ou être très proche de lui, et il perd son statut de chéri en grandissant. Au fil du temps, au fur et à mesure que vous apprenez à connaître votre enfant, celui dont vous vous êtes senti le moins proche, vous pourriez en venir à admirer ses qualités que vous auriez aimé avoir – par exemple, si vous êtes introverti et que votre fils a un caractère très sociable – et jeter notre dévolu sur lui car il nous est complémentaire. Bref, il y a presque toujours des préférences et généralement ça change. Une fois c'est l'une, puis l'autre. Et encore une fois.

Propos recueillis par Dorothée Louessard

* Auteur du blog www.pédagogieinnovante.com, et des livres « Il y a des monstres sous mon lit » et « Les principes toltèques appliqués aux enfants », éd. Hachette.

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