Ces enfants qui refusent d'aller aux toilettes à l'école

École : quand aller aux toilettes devient une torture pour les enfants

Docteur Averous : Le sujet est encore tabou. Cependant, il est essentiel de savoir que de nombreux élèves n'utilisent pas suffisamment les toilettes pendant la journée. Souvent impliqué dans le manque d'intimité ou d'hygiène dans certaines installations sanitaires scolaires. Il y a aussi ceux qui préfèrent jouer dans la cour, et oublient d'aller aux toilettes pendant la récréation. Selon le Dr Michel Averous, urologue pédiatre et spécialiste de la question, il s'agit d'un véritable problème de santé publique, qui touche de nombreux enfants.

Comment expliquer que certains enfants hésitent à aller aux toilettes à l'école ?

Docteur Averous : Il y a plusieurs raisons. Tout d'abord, manque d'intimité, surtout à la maternelle. Parfois, les portes ne se ferment pas. Lorsque les toilettes sont mixtes, il arrive que les garçons agacent les filles, ou vice versa. Certains enfants n'acceptent pas ce manque d'intimité, surtout lorsqu'ils ont l'habitude de fermer la porte à la maison. Certains disent : « ils sont encore petits ». Mais, à 3 ans, les enfants peuvent être très modestes.

Il y a aussi le problème de les horaires scolaires, même si les adultes sont généralement plus permissifs en maternelle. Les enfants sont obligés d'aller aux toilettes à heures précises, pendant la récré. Et la transition vers le CP peut être difficile. Certains élèves préfèrent jouer, discuter et se retenir après. D'autres ne veulent toujours pas y aller maintenant, mais quand ils veulent y aller, c'est trop tard ! Dans certains villages encore, les toilettes sont éloignées de la classe, ou ne sont pas chauffées, ce qui peut être désagréable pour les enfants en hiver.

Parfois, il y a un problème de propreté…

Docteur Averous : Oui c'est vrai. Les toilettes sont parfois très sales, et certains parents disent surtout à leur enfant de ne pas mettre les fesses sur le siège. Je travaille avec le laboratoire Quotygiène qui fabrique des housses de siège pouvant être mises dans les poches des enfants. Cela peut être une solution.

Est-ce vraiment efficace ? N'y a-t-il pas un plus grand risque d'attraper des infections comme celle-ci ?

Docteur Averous : C'est pour nous rassurer que nous disons cela. Par contre, je suis d'accord, un enfant ne doit pas s'asseoir sur des toilettes sales. Mais ce n'est pas parce que quelqu'un s'est assis devant nous que nous allons attraper des maladies. Et puis, j'insiste, il est important de bien s'asseoir pour uriner. Alors qu'elles se tiennent à mi-chemin, les filles et les femmes sont obligées de pousser et leur plancher périnéal est contracté. En forçant, ils font pipi plusieurs fois et ne vident pas toujours correctement leur vessie. C'est la porte ouverte aux infections.

Justement, quels problèmes peuvent survenir chez ces enfants qui se retiennent trop souvent ?

Docteur Averous : Premièrement, lorsque les enfants se retiennent, leur urine aura une odeur plus forte. Mais, surtout, cette mauvaise habitude peut entraîner des infections urinaires, voire des troubles digestifs puisque les deux sphincters marchent en même temps. C'est ce qu'on appelle la synergie périnéale entre le sphincter urinaire et celui de l'anus. Cela provoque une accumulation de matière dans le côlon. Les enfants souffrent alors de maux de ventre, de constipation ou de diarrhée. Il faut aussi ajouter que les petites filles sont plus vulnérables que les garçons.

Pourquoi donc ?

Docteur Averous : Tout simplement parce que anatomiquement, l'urètre est beaucoup plus court. Une petite fille devra serrer beaucoup plus qu'un petit garçon pour éviter une fuite, et lui faire pipi dessus. Les vêtements jouent également un rôle. En hiver, les parents mettent des collants sur les enfants et par-dessus des pantalons. Comme je l'ai vu en consultation, les enfants ne baissent pas toujours leur pantalon en dessous du genou. Et quand il s'agit d'une petite fille, elle ne peut pas écarter les jambes comme elle le devrait. Elle n'est pas à l'aise pour uriner correctement.

Est-ce que beaucoup d'enfants que vous suivez en consultation rencontrent ce genre de problème à l'école ?

Docteur Averous : Absolument. C'est très courant. Et il faut savoir que ces troubles diurnes (infections des voies urinaires, maux de ventre, etc.) peuvent également conduire à l'énurésie nocturne lorsque l'enfant a un sommeil peu profond. Cependant, ce n'est pas parce qu'un enfant fait pipi au lit qu'il ne va pas assez aux toilettes pendant la journée. Mais, si ces troubles sont liés, les parents ne seront pas en mesure de résoudre le pipi nocturne tant que les troubles diurnes ne seront pas traités.

Les parents doivent-ils être plus vigilants et veiller à ce que leur enfant aille régulièrement aux toilettes ?

Docteur Averous : Lorsque les parents remarquent une complication, il est souvent trop tard. En fait, vous devez éduquer tout le monde dès le début. Dites aux enfants de faire pipi régulièrement tout au long de la journée, pendant la récréation, qu'ils le veuillent ou non ! Même si, plus l'enfant est grand, plus il contrôle ses sphincters, il ne peut pas tenir trois heures sans vider sa vessie. Il est également bon de leur dire de boire un verre d'eau après être allé aux toilettes. En buvant, vous videz régulièrement votre vessie et réduisez les risques de complications. Et pas de pipi à moitié debout pour les petites filles !

Et du côté des professionnels et des communes qui gèrent les établissements ?

Docteur Averous : Nous devrions d'abord atteindre les médecins et les enseignants des écoles. Et surtout de résoudre ce problème de mixité dans les toilettes en séparant les filles des garçons. Le sujet est de plus en plus abordé, mais il est essentiel de se rappeler les bonnes habitudes. Je peux voir des progrès, surtout dans les jardins d'enfants. Ils sont un peu plus informés mais des progrès restent à faire…

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