Quel impact le confinement a-t-il eu sur nos enfants ?

Notre experte : Sophie Marinopoulos est psychologue, psychanalyste, spécialiste de l'enfance, fondatrice de l'association PPSP (Prévention Promotion de la Santé Psychique) et de ses lieux d'accueil « Pâtes au beurre », auteur de « Un virus à deux tête, la famille au temps du Covid-19 » (éd. LLL).

Parents : Comment la crise sanitaire, et notamment la période de confinement, a-t-elle impacté les plus jeunes ?

Sophie Marinopoulos : Les petits ont fait les frais de cette crise. Ce qui permet à un bébé de s'installer dans le monde, c'est la force de l'adulte qui s'occupe de lui. Cependant, lorsque la peur parmi nous s'est transformée en angoisse, cette solidité a fait défaut. Les bébés l'ont vécu et exprimé physiquement. Dès lors, au standard « Pâtes au beurre », nous avons reçu de nombreux appels téléphoniques de parents déconcertés par les manifestations somatiques de leurs bébés devenus grincheux, souffrant de troubles de l'humeur, du sommeil et de l'alimentation. bébés dont ils avaient du mal à attirer l'attention. De plus, pendant le confinement, chaque bébé s'est retrouvé isolé dans un monde adulte, privé de la compagnie de ses pairs qu'il avait auparavant l'habitude de rencontrer, à la crèche, chez la nounou, dans le parc ou dans la rue. On ne mesure pas encore l'impact que cette privation de liens a eu sur eux, mais quand on sait à quel point les bébés s'observent, s'écoutent et se dévorent du regard, c'est loin d'être anodin.

Certaines familles ont vécu de vraies crises. Comment vont les enfants ?

SM : Dire que les enfants n'ont pas été touchés serait un déni pur et simple. Ils peuvent continuer à sourire, mais cela ne prouve pas qu'ils vont bien ! Si l'adulte est déstabilisé, cela déstabilise toute la famille, d'où une forte augmentation des situations de violence conjugale et familiale. Lors de nos permanences téléphoniques, nous avons souvent emmené les enfants directement en ligne pour essayer de les apaiser, et avons parlé aux adultes pour essayer de contenir la violence, pour l'empêcher de se répandre. Chacun avait besoin d'un espace pour soi, d'un peu d'intimité, et s'est retrouvé avec trop d'« être ensemble ». On a aussi observé de nombreux cas de séparations suite au confinement. Pour revenir à l'équilibre, le défi est énorme.

De quoi nos enfants auront-ils besoin pour tirer le meilleur parti de ce qu'ils ont vécu ?

SM: Aujourd'hui plus que jamais, les bébés ont besoin de s'adresser à eux, d'être reconnus dans leur condition d'êtres humains. Il faut leur donner l'espace nécessaire pour grandir, jouer, exercer leur créativité, prendre en compte ce qu'ils viennent de vivre. Ils sont intelligents, ils aiment apprendre, évitons de tout gâcher en leur imposant des contextes qu'ils ne supportent pas. Ils ont besoin de beaucoup de tolérance. Ce qu'ils ont subi a été d'une grande violence : faire jouer tout le monde dans une case marquée au sol, dont il ne peut franchir les limites, cela constitue une attaque car elle va à l'encontre de ses besoins. Pour ceux qui vont faire leur premier retour, il faut passer devant l'école, leur montrer. Ils n'ont eu aucune prise de conscience, aucune préparation. Nous avons sauté des étapes, sauté ces moments essentiels. Il va falloir adapter leur entrée à l'école, les aider à s'adapter, les accompagner au mieux, dans la tolérance, en les soutenant, en accueillant ce qu'ils disent sur la façon dont ils vivent la situation.

Et pour les plus grands ?

SM: Les 8-10 ans étaient assez bouleversés par le contexte scolaire. Ils devaient vivre avec une confusion entre l'espace intime de la famille et l'espace scolaire d'apprentissage. C'était difficile à accepter, d'autant plus qu'il y avait un enjeu fort : la réussite scolaire d'un enfant est un vecteur très important du narcissisme des parents. Il y a eu une collision frontale, les parents ont été blessés de ne pas toujours pouvoir faire travailler leur enfant. Le métier d'enseignant est très difficile… Pour les parents de trouver un espace de créativité, d'inventer des jeux. Par exemple, en jouant quand on va vendre notre maison à des anglais, on fait des maths et de l'anglais… La famille a besoin d'espaces de liberté. Nous devons nous permettre d'inventer notre propre façon de faire, de vivre. La famille n'acceptera pas de repartir au même rythme, elle exigera des changements de politique.

Y a-t-il des familles pour qui le confinement a été une expérience positive ?

SM: Le confinement a profité aux parents en burn-out, mais aussi aux jeunes parents : après une naissance, la famille vit de manière fusionnelle, elle se replie sur elle-même, elle a besoin d'intimité. Le contexte répondait à ces besoins. Cela met en évidence la nécessité de revoir l'organisation du congé parental, afin que les deux parents aient le temps de se retrouver autour du bébé, dans une bulle, à l'abri de toute pression. C'est un vrai besoin.

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