Résidence alternative, qu'en penser ?

La résidence alternée en questions

Ce devait être un projet de loi adopté sans difficulté. Manqué. L'examen du texte "Autorité parentale et intérêt de l'enfant", proposé par la députée socialiste Marie-Anne Chapdelaine, a dû être reporté sine die en raison de l'avalanche d'amendements déposés par l'opposition. Seul l'article sur le mandat d'éducation quotidienne du beau-parent a pu être adopté. Les autres articles ont fait l'objet d'un vif débat à l'intérieur et à l'extérieur de la Chambre, comme celui stipulant que l'enfant bénéficierait de facto d'une double résidence, avec chacun de ses parents. La mesure se voulait symbolique, il s'agissait de supprimer la notion de « résidence principale », qui donne trop souvent au parent non gardien le sentiment d'être lésé. Pour les auteurs du texte, cette double domiciliation ne signifiait pas la mise en place systématique, par défaut, d'une alternance conjointe de garde entre père et mère. Mais les assaillants historiques de la résidence alternée sont convaincus qu'il s'agissait bien d'une tentative de l'imposer comme mode d'organisation prioritaire après toute séparation. Plus de 5 experts et associations sont donc montés au créneau avec une pétition dénonçant « la résidence alternée imposée à tous les âges ». A leur tête se trouvent Maurice Berger, chef de service de pédopsychiatrie au CHU de Saint-Étienne, Bernard Golse, chef de service à l'hôpital Necker-Enfants malades et Jacqueline Phélip, présidente de l'association « L'Enfant devant ». .

Résidence alternative, contre-indiquée pour les tout-petits

Ces experts demandent que la loi interdisant l'ordonnance de résidence alternative pour un enfant de moins de 6 ans, sauf avec le consentement volontaire des deux parents, soit inscrite dans la loi. Il s'avère que c'est le point le moins controversé. La plupart des spécialistes de l'enfance, qu'ils soient pour ou contre la généralisation de l'alternance, pensent queil doit être adapté à l'âge de l'enfant, et pas forcément égal dès le départ. Presque à l'unanimité, le tarif 50/50 et 7 jours/7 est jugé aberrant pour un enfant de moins de 3 ans. Ensuite, comme toujours, il y a les « anti » absolus et les « pro » modérés. Selon que l'expert sollicité applique la théorie de l'attachement à la lettre et soit plus ou moins « pro-mère », il considérera que l'enfant ne doit jamais dormir hors du domicile maternel avant l'âge de 2 ans, ou ressentira que le le tout-petit peut s'éloigner de la figure maternelle, mais dans un délai raisonnable (pas plus de 48 heures).

En effet, peu de parents revendiquent ce type de garde pour les très jeunes enfants, et de toute façon, peu de juges l'accordent.. Selon les chiffres du ministère de la Justice de 2012*, 13% des enfants de moins de 5 ans sont en cohabitation contre 24,2% des 5-10 ans. Et pour les enfants de moins de 5 ans, c'est une répartition modulable, et non le 50/50 hebdomadaire, qui est à privilégier. Gérard Poussin, professeur de psychologie clinique, présenté comme un partisan de la résidence alternative, a confié dans une revue québécoise qu'il avait renoncé à publier les travaux de deux de ses étudiants, car dans leur échantillon de trente-six enfants, seuls six d'entre eux avaient entre 3 et 6 ans et aucun n'avait moins de 3 ans. Même pour des travaux de recherche, il est donc difficile de trouver de très jeunes enfants soumis à un rythme totalement binaire !

Résidence alternative, à éviter dans les situations conflictuelles 

C'est l'autre avertissement émis par la 5 pétition. En cas de conflit entre les parents, le recours à la résidence alternée doit être interdit.. Cet avertissement fait bondir les collectifs de pères. " Trop facile ! ", Ils se disputent. Il suffit à la mère d'exprimer son désaccord pour que la garde lui revienne. C'est un débat dans le débat. Les pères qui se sentent lésés par la loi mettent souvent en avant le « syndrome d'aliénation parentale », selon lequel un parent (en l'occurrence la mère) manipule son enfant et lui fait ressentir le rejet de l'autre. parent. Les experts signataires de la pétition contre la résidence alternative contestent l'existence de ce syndrome et critiquent également l'autre volet du projet de loi : l'instauration d'une amende civile infligée au parent qui entraverait l'exercice de l'autorité parentale sur son ex-conjoint. Le sous-texte est assez évident : les mères seraient toujours de bonne foi lorsqu'elles refuseraient de présenter l'enfant à l'ex-conjoint pour lui permettre d'exercer son droit au logement. Cependant, de nombreux magistrats et avocats reconnaissent qu'il existe bel et bien une tentation chez certains d'entre eux de « capturer » l'enfant et de détruire l'image du père.. La mauvaise entente entre les parents est en tout cas avancée dans 35% des décisions de refus de résidence alternée. Mais, fait intéressant, lorsqu'il y a mésentente entre les parents, la résidence principale est moins souvent attribuée à la mère (63% contre 71% dans les accords à l'amiable) et deux fois plus souvent au père (24% contre 12% dans les accords à l'amiable). Les pères ne sont donc pas, à chaque fois, les grands perdants de l'affaire, contrairement à ce que suggèrent régulièrement les mouvements de pères.

Il y a dix-huit mois, lorsque ces pères montaient sur des grues pour réclamer un accès plus égalitaire à leurs enfants, les spécialistes rappelaient la réalité des chiffres : seulement 10 % des séparations sont conflictuelles, la plupart des hommes ne demandent pas la garde de leurs enfants et 40 % de la pension alimentaire n'est pas payée. Après une séparation, la norme serait plutôt l'éloignement progressif, plus ou moins volontaire, du père, puis l'isolement et la précarité de la mère.. Face à cette situation bien réelle et alarmante, les 5 pétitionnaires ont néanmoins préféré combattre un risque hypothétique, celui de la systématisation de la résidence alternée pour les enfants de moins de 500 ans.

* Centre d'évaluation de la justice civile, « La résidence des enfants de parents séparés, De la demande des parents à la décision du juge », juin 2012.

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