Être mère en Afghanistan : le témoignage de Ghezal

" Boire ! ", Ma mère m'a demandé à la maternité en me tendant une tasse qu'elle venait de verser dans une grande bouteille Thermos®. « Quelle est ta potion maman ? » répondis-je en souriant. « Une boisson que les médecins français ne pouvaient pas vous donner et qui vous permettra de soulager vos maux de ventre et d'éliminer les impuretés. "

Dès l'accouchement, les mères afghanes boivent du Chawa, à base de thé noir, gingembre frais râpé, sucre de canne, miel, cardamome et noix concassées. Chez nous, la maternité est une affaire de femmes et les proches n'hésitent pas à venir aider la jeune maman. Dès la grossesse, tous contribuent à son bien-être, aux voisins qui apportent leurs plats dont les odeurs alléchantes parviennent au nez des femmes enceintes qui les entourent pour ne pas la frustrer. A la naissance de leur bébé, les femmes peuvent ainsi suivre la tradition des quarante jours de repos. Le père n'assiste pas à l'accouchement. Cela semblerait tiré par les cheveux pour une femme afghane, qui préférera l'aide de sa mère ou de sa sœur.

La recette Chawa

  • 2 cuillères à soupe de thé noir
  • 1 cuillerée de gingembre frais râpé
  • 4 noix concassées
  • 1 cuillerée de cardamome
  • Miel et sucre de canne selon le goût

Faire infuser dans un peu d'eau chaude pendant 10 minutes à feu doux.

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© A. Pamula et D. Envoyer

Il faut savoir que la femme afghane est celle qui dirige son ménage ; c'est le centre névralgique de la maison. Je vois la chance que j'ai eu d'avoir accouché en France car mon pays est en guerre depuis plus de quarante ans. Le taux de mortalité infantile est incroyable et la majorité des femmes sont contraintes d'accoucher à domicile faute d'infrastructures. Malgré les associations présentes sur le terrain, les conditions d'hygiène restent catastrophiques et de nombreuses mères perdent également la vie pendant l'accouchement. De nombreux Afghans vivent en dessous du seuil de pauvreté et l'accès à l'eau potable est compliqué.

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De nombreuses traditions autour de la naissance

Garder quelques coutumes de mon pays d'origine était évident à la naissance de mes enfants. Mon père est venu murmurer à l'oreille droite de chacun de mes bébés l'appel à la prière. Autrefois, des coups de feu étaient tirés en l'air pour accueillir le nouveau-né. Lorsqu'un garçon naît, les familles les plus riches sacrifient un mouton afin de distribuer de la nourriture aux nécessiteux en guise d'offrande. Nous avions préparé des bonbons pour nos proches et envoyé de l'argent à la maison pour permettre à un grand nombre de personnes de manger. Un couple d'amis afghans de mes parents vivant aux Etats-Unis a fait aujourd'hui le déplacement pour la naissance de ma fille, les bras chargés de vêtements de 0 à 2 ans. C'était une façon de perpétuer la tradition Jorra de faire préparer par la famille le trousseau du nouveau-né.

À la naissance de mon aîné, j'étais sceptique quant à certaines coutumes que ma mère me conseillait de suivre. Emmailloter l'enfant était l'un d'entre eux. Mais le test s'étant avéré convaincant, j'ai vite été convaincu. Plus tard, pour mon fils, j'ai vu partout dans les magazines que les femmes occidentales se sont jetés sur cette « couverture magique ». Rien de nouveau pour une mère afghane ! 

Numéros:

Taux d'allaitement : iinconnu faute de statistiques

Tarif enfant/femme : 4,65

Congé maternité: 12 semaines (en théorie) prévu par la loi

1 chez les femmes 11 risque de mourir pendant la grossesse

32% les accouchements ont lieu en milieu médical. L'espérance de vie à la naissance est le plus bas du monde.

(Source MSF)

Un autre jour où ma petite souffrait de coliques, ma mère lui a fait une infusion de fenouil et graines d'anis, à boire tiède en petite quantité à la bouteille. « Quel est votre âge ? » Je lui ai demandé. Encore un truc qui a fonctionné à merveille et qui se vend aujourd'hui industriellement en pharmacie ! Mahnaaz, ma fille, dont le prénom signifie « beauté gracieuse de la lune » en persan, et mon fils Waïss, « la maison, la demeure, la patrie » en pachto, sont le fruit de cultures métissées. Je leur transmets le mien à travers la langue, la cuisine, la proximité avec leurs grands-parents (Bibi et Boba), le respect des aînés, et avec le temps j'espère leur apporter un peu plus chaque jour…  

Mamans du monde, le livre !

Le livre de nos collaboratrices, qui compile 40 portraits de mères à travers la planète, est en librairie. Fonce! « Les mamans du monde », éd. D'abord.

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