Éducation : le grand retour de l'autorité

Le nouveau visage de l'autorité

 « Quand j'étais petite, mes deux sœurs, mon frère et moi, nous n'avions aucun intérêt à nous disputer. Quand nos parents ont dit non, c'était non, et ils nous ont inculqué les valeurs qu'ils tenaient de leurs propres parents ! Résultat, nous sommes bien dans nos pompes, nous avons tous réussi dans la vie et je suis convaincu que c'est la bonne façon de faire les choses avec les enfants. Mon mari et moi sommes cool, mais on ne cède pas pour un oui ou un non, et les enfants savent très bien que ce ne sont pas eux qui font la loi à la maison, mais nous ! Parents de trois enfants de 2, 4 et 7 ans, Mélanie et son mari Fabien sont d'accord avec la ligne pédagogique actuelle qui appelle à un retour fort en autorité. C'est ce que confirme Armelle Le Bigot Macaux*, directrice d'ABC+, agence spécialisée dans l'observation des comportements des familles : « Les parents se divisent en deux catégories : ceux qui acceptent de mettre leur autorité en pratique, convaincus que c'est pour le bien de leurs enfants (7 sur 10) et ceux, minoritaires, qui l'estiment nécessaire mais qui souffrent de sa mise en œuvre par peur de briser la personnalité de l'enfant, par peur d'être rejeté, ou simplement par impuissance. Et quel que soit leur style éducatif, on assiste à une recrudescence des punitions ! "

Une nouvelle autorité qui apprend des erreurs du passé

Oui, la nouveauté des années 2010 est priseconscience générale que les enfants ont besoin de limites pour se construire harmonieusement et devenir des adultes matures. Certes, la peur d'être père ou mère fouettée n'a pas disparu, les parents modernes ont intégré les préceptes pédagogiques de la psychanalyste culte Françoise Dolto. Imprégné de l'idée qu'il est fondamental d'être à l'écoute de votre progéniture pour son développement personnel, personne ne remet en cause que les enfants sont des personnes à part entière qui doivent être respectées et qui ont des droits… Mais aussi des devoirs! Notamment, celle de rester à la place de son enfant et d'obéir aux adultes chargés de son éducation. Les années 1990 et 2000 ont vu la prolifération des les mises en garde des psys, coachs, éducateurs, profs et autres Super Nanny contre le laxisme des parents et l'avènement des tout-puissants enfants-rois, tyrannique et illimité. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur le constat que les parents permissifs ne sont pas dans leur rôle et rendent leurs enfants malheureux en les rendant peu sûrs. Tout le monde connaît les dangers d'une éducation basée sur la séduction : « Sois gentil, fais plaisir à ta maman, mange ton brocoli ! ". Tout le monde comprend que les enfants sont des gens, mais pas les adultes ! Armés d'expériences et d'erreurs passées, les parents ont de nouveau conscience que leur devoir d'éduquer passe par la capacité de dire non, d'endurer les conflits lorsqu'ils frustrent les désirs de leurs chers petits, de ne pas tout négocier, d'imposer des règles claires sans se sentir obligés de se justifier.

Autorité : pas de diktats, mais des limites constructives

L'ancien enfant-roi a maintenant fait place à l'enfant partenaire. Mais comme le souligne Didier Pleux, docteur en psychologie, inventer une nouvelle façon d'exercer l'autorité n'est pas facile: « Les parents sont très exigeants, mais ils sont dans une grande confusion. Ils pratiquent ce que j'appelle l'autorité en aval. C'est-à-dire qu'ils interviennent, rappellent la loi, grondent et punissent quand les enfants ont transgressé beaucoup d'interdits. C'est trop tard et pas très instructif. Ils seraient bien plus efficaces s'ils posaient leur autorité en amont, sans attendre qu'il y ait transgression ! Mais quel est le secret de cette autorité naturelle que tous les parents recherchent ? Il suffit d'accepter qu'entre l'adulte et l'enfant, il y a une hiérarchie, que nous ne sommes pas égaux, que l'adulte en sait beaucoup plus sur la vie que l'enfant, et que c'est lui, l'adulte, qui éduque l'enfant et impose des règles et des limites. Et pas l'inverse ! Les parents ont un meilleur sens des réalités, ils ont du bon sens et ils doivent puiser dans leurs expériences pour guider leurs enfants. c'est pourquoi Didier Pleux conseille aux parents en quête d'autorité de regagner en légitimité, d'imposer leurs valeurs, leur philosophie de vie, leurs goûts, leurs traditions familiales… Vous aimez la peinture ? Emmenez vos enfants au musée pour partager votre passion avec eux. Vous aimez la musique classique, faites-lui écouter vos sonates préférées… Vous aimez le foot, emmenez-le taper dans le ballon avec vous. Contrairement à ce qu'on prétendait il y a quelques années, vous ne risquez ni d'écraser sa personnalité ni de façonner ses goûts. C'est à lui plus tard de rejeter ou de continuer à apprécier ce que vous lui avez transmis.

L'éducation, un mélange d'amour et de frustration

L'autorité en amont, c'est aussi savoir arbitrer entre le principe de plaisir de l'enfant et le principe de réalité. Non, il n'est pas le plus beau, le plus fort, le plus brillant, le plus intelligent ! Non, il ne peut pas obtenir tout ce qu'il veut et ne faire que ce qu'il veut ! Oui, il a des forces, mais aussi des faiblesses, que nous l'aiderons à corriger. Le sens de l'effort, devenu une valeur démodée, est à nouveau populaire. Pour jouer du piano, il faut s'entraîner tous les jours, pour avoir de bonnes notes à l'école, il faut travailler ! Oui, il y a des contraintes auxquelles il devra se soumettre sans discuter ni négocier. Et ça ne va pas lui plaire, c'est sûr ! L'un des lieux communs qui a conduit tant de parents à l'échec est de s'attendre à ce que l'enfant s'autorégule. Aucun enfant ne prêtera spontanément ses plus beaux jouets aux autres ! Aucun petit ne remerciera ses parents d'avoir rationné sa consommation d'écran : « Merci papa d'avoir enlevé ma console et de m'avoir obligé à me coucher tôt, tu me donnes un rythme de vie et c'est bon pour mon développement psychique. ! " Eduquer implique nécessairement de la frustration, et qui dit frustration, dit conflit. Embrasser, aimer, gratifier, complimenter, tout le monde sait comment le faire, mais dites NON et forcez votre enfant à suivre les règles qui sont considérées comme bonnes pour lui, c'est beaucoup plus compliqué. Comme le souligne Didier Pleux : « Vous devez établir dans votre famille un « code de la famille » avec des règles strictes et incontournables, de la même manière qu'il existe un code de la route et un code pénal qui régissent la société. « Une fois le code établi, imposer son autorité naturelle demande un discours et des consignes claires : « Je t'interdis de te comporter comme ça, ça n'arrive pas, je suis ta maman, ton papa, c'est moi qui décide, pas toi ! C'est comme ça, pas besoin d'insister, je ne reviendrai pas sur ma décision, si tu n'es pas d'accord, tu vas dans ta chambre pour te calmer. " L'important est de ne jamais abandonner les choses qui comptent vraiment pour vous, tout en développant la personnalité et l'unicité de vos enfants.. Bien sûr, une autorité bien établie oblige à sanctionner si nécessaire, mais, encore une fois, suivez le modèle de la licence à points. Petite bêtise, petite sanction ! Grosse bêtise, grosse sanction ! Prévenir les risques encourus s'ils désobéissent à l'avance, il est essentiel qu'ils sachent à quoi ils s'exposent. Pas de fessée bien sûr, car les châtiments corporels signifient violence physique et colère, certainement pas autorité. Pouvoir dire sans complexe ni culpabilité : « Je pense que c'est bon pour toi ! », Tout en restant attentif et en dialogue, trouver l'équilibre entre la singularité de son enfant et la réalité de la vie, telle est la mission des parents d'aujourd'hui. Gageons qu'ils réussiront avec brio ! 

* Auteur de « Quels parents êtes-vous ? Petit glossaire des parents d'aujourd'hui », éd. marabout.

Quels parents êtes-vous ?

 L'étude « Partners », menée par l'agence ABC, a révélé cinq modèles pédagogiques assez différents les uns des autres. Lequel est à toi ?

 Les protecteurs (39%Très vigilants et convaincus de leur mission, le respect de l'autorité est un pilier fondamental de leur modèle éducatif, et ils accordent une place cruciale à la famille. Pour ces parents, on est allé trop loin avec les enfants en quoi que ce soit, laxisme, manque de cadre, il faut revenir en arrière, retourner vers le passé, vers les bonnes vieilles valeurs d'antan qui ont fait leur marque. preuve. Ils revendiquent la tradition et l'éducation à l'ancienne que leurs parents leur ont inculquées.

Néobobos (29%)Ceux que nous appelions les « post-Dolto » ont évolué lentement. Ils laissent toujours une place importante au dialogue entre les générations, mais ils ont pris conscience de la valeur des limites. Communiquer, écouter l'enfant et l'encourager à développer sa personnalité c'est bien, mais il faut aussi savoir s'imposer et passer à l'action quand c'est nécessaire. S'il dépasse les limites, ce n'est pas acceptable. Résolument modernes, les néobobos sont dans l'air du temps.

Les déchirés (20%)Ils se sentent vulnérables, pleins de désillusions, de contradictions et d'émerveillement. Leur leitmotiv : qu'il est difficile d'élever des enfants ! Du coup, ils oscillent entre le modèle passé et la modernité, exerçant une autorité en damier, variable selon leur humeur. Ils cèdent et sont super sévères quand ils n'en peuvent plus. Ils pensent que le retour des sanctions est une bonne chose, mais se sentent coupables et appliquent les sanctions à contrecœur. Ils aimeraient apprendre à le faire.

Les funambules (7%Ils tournent le dos aux valeurs d'hier et recherchent un nouvel équilibre pour s'adapter au monde d'aujourd'hui. Leur objectif est d'apprendre aux enfants à être combatifs dans un monde sans pitié. Ils cultivent le sens de l'adaptation, le sens des responsabilités et l'opportunisme.

Autonomiser les gens (5 %).Ils ont la volonté affichée de faire de leur enfant un être rapidement autonome, ayant tous les atouts pour réussir sa vie ! Ils traitent leur enfant comme un petit adulte, le poussent à grandir plus vite que la nature, lui donnent beaucoup de liberté, même petit. Ils attendent beaucoup de lui, il doit suivre le courant et il n'est pas question de le surprotéger.

Soyez sympa! Laissez un commentaire