Depuis quelque temps déjà, une prétendue nouvelle technique de césarienne, appelée césarienne extrapéritonéale, fait parler d'elle. les Pr Philippe Deruelle, gynécologue et secrétaire général d'obstétrique du CNGOF, le Collège National des Gynécologues Obstétriciens de France, répond à nos questions.

Parallèlement, le Dr Bénédicte Simon, qui pratique la césarienne extra-péritonéale à Versailles (Yvelines), nous livre son point de vue et son expérience.

Une technique pas si récente

« Quand on fait une césarienne de manière classique, on va ouvrir le ventre par une incision basse, puis séparer les muscles, puis accéder à l'utérus en ouvrant le péritoine, en passant par le ventre », résume le professeur Deruelle, rappelant que le péritoine est la fine membrane qui recouvre et contient tous les organes de la cavité abdominale, qu'elles soient reproductives, urinaires ou digestives.

Cette approche largement éprouvée a ses inconvénients et ses détracteurs, car la reprise du transit peut être un peu lente et l'incision du péritoine peut parfois conduire à des adhérences au niveau des cicatrices, et donc plus de douleur.

A partir du XXe siècle, une autre technique, appelée césarienne extra-péritonéale, est née. Cela consiste en utiliser des plans anatomiques différents, sur le côté, pour ne pas avoir à ouvrir la cavité abdominale, le péritoine.

« Dans cette approche, nous allons passer par un autre endroit, entre la vessie et l'utérus, un endroit où nous ne sommes pas dans la cavité abdominale, où nous pouvons accéder à l'utérus sans inciser le péritoine. », explique le professeur Deruelle.

Césarienne extra-péritonéale : moins de complications post-opératoires ?

« C'était vrai il y a trente ou quarante ans, estime le Pr Deruelle, alors que nous ne connaissions pas le Technique de Cohen Stark, ou césarienne appelée Misgav Ladach (du nom de l'hôpital où il a été développé), qui permet un traitement post-opératoire relativement simple. »

La césarienne extra-péritonéale génère, par sa technique, moins de complications chirurgicales et une récupération plus rapide par rapport aux anciennes techniques de césarienne, où les muscles de l'estomac ont été sectionnés.

Mais aujourd'hui, la césarienne la plus pratiquée, appelée Cohen Stark, " révolutionné la prise en charge des femmes enceintes "Et" divise par deux le temps opératoire et le temps de récupération », assure le Pr Deruelle, qui indique avoir des patientes qui, même après une césarienne classique, peuvent manger le soir même et se lever le lendemain.

La principale différence entre la technique de césarienne extrapéritonéale et la technique de Cohen Stark, actuellement promue par le Collège des gynécologues obstétriciens, est l'ouverture du péritoine. Si elle est bien réalisée, la césarienne de Cohen Stark ne nécessite pas de sectionner les muscles abdominaux, qui sont simplement écartés, en revanche, le péritoine est forcément sectionné.

Quelles sont les preuves scientifiques de ses bienfaits ?

Certainement, la césarienne extra-péritonéale, car elle ne coupe pas les muscles et elle ne coupe pas le péritoine, semble être la césarienne la moins invasive et la moins douloureuse. A noter que si la première incision de la peau est horizontale, la seconde incision, celle de l'aponévrose, membrane qui enveloppe les muscles, est verticale (alors qu'elle est horizontale dans la technique de Cohen Stark). Différence qui changerait tout au niveau de la mobilité postopératoire selon les gynécologues qui promeuvent cette technique, mais qui n'a pas été évaluée scientifiquement, note le Pr Deruelle. Il n'est pas prouvé que l'ouverture verticale ou horizontale de l'aponévrose change quoi que ce soit en termes de récupération.

Sur ce point, la gynécologue-obstétricienne Bénédicte Simon n'est pas tout à fait d'accord. Cela rappelle queune étude scientifique est en cours en Israël et en France, et que les différentes techniques développées par le Docteur Denis Fauck pour la césarienne extra-péritonéale sont empruntés à d'autres chirurgies, qui ont fait leurs preuves. L'incision extrapéritonéale est ainsi empruntée à la chirurgie urologique, tandis que l'incision verticale du fascia est une technique empruntée au chirurgie vasculaire. " Il est facile de comprendre que le passage d'une chirurgie profonde (intrapéritonéale) à une chirurgie superficielle (extrapéritonéale) est moins douloureux pour les patients :Le choc de fonctionnement est moins profond, le confort est bien meilleur », argumente le Dr Simon, assurant que ses patients peuvent souvent être à l'heure après la césarienne.

« La césarienne est l'opération chirurgicale la plus courante et la seule intervention qui nécessite mobilité et confort post-opératoire pour prendre soin du bébé. Lorsqu'une femme subit une opération pour quoi que ce soit, elle n'a généralement pas à s'occuper de ses enfants qui sont généralement pris en charge par la famille ou le père. De nombreux efforts sont déployés pour développer la chirurgie ambulatoire dans tous les domaines, à l'exception de la césarienne », regrette le Dr Simon.

Malgré tout, il est admis par tous que la césarienne extra-péritonéale est techniquement plus compliquée et nécessite un véritable apprentissage auprès de gynécologues initiées.

« On manque de données sur la répétition de ce type de césarienne, où l'on aborde des zones du corps pas si faciles d'accès. À ma connaissance, aucune étude scientifique n'a comparé cette césarienne à d'autres techniques de césarienne. », comme celle de Cohen Stark, souligne encore le professeur Deruelle, qui conseille la prudence.

Selon le gynécologue, secrétaire général d'obstétrique du CNGOF, la césarienne extra-péritonéale " n'a pas été suffisamment étudié pour être largement promu comme quelque chose de miraculeux. "

L'engouement pour cette technique chirurgicale pourrait-elle résulter en partie de la communication bien menée de certaines cliniques privées qui ont fait de la césarienne extra-péritonéale leur spécialité ?

Le Dr Simon réfute cette idée, car celle-ci ne demande qu'à former les autres gynécologues, qui semblent réticentes car n'y voyez pas toujours l'intérêt pour les femmes. Une appréhension de la part des obstétriciens qui ne sont pas chirurgiens ? Manque de curiosité, habitude ? Le Dr Simon, qui forme également des médecins à l'étranger - en Tunisie, en Israël ou encore en Lituanie - ne demande cependant qu'à apporter ses connaissances en France...

Quant à l'engouement actuel, il serait plutôt dû, pour le Dr Simon, à l'enthousiasme des femmes elles-mêmes, qui ont fait passer le mot et témoigner de leur expérience très positive à qui veut les entendre.

La délicate question du temps de fonctionnement

Quoi qu'on dise de la césarienne de Cohen Stark, elle permet un temps opératoire très court, puisque l'utérus est facilement accessible une fois le péritoine sectionné. Inversement, " la césarienne extrapéritonéale allonge le temps opératoire et nécessite une formation spécifique, où la technique Cohen Stark est assez simple et raccourcit le temps opératoire », assure le professeur Deruelle.

On comprend vite les inquiétudes : si la césarienne extra-péritonéale ne pose pas de problème lors d'une césarienne programmée, ce sera d'autant plus délicat à réaliser en cas de césarienne d'urgence, où chaque minute compte pour sauver la vie de la mère et/ou du bébé.

Alors que pour les urgences mettant la vie en danger, le Dr Simon reconnaît que la césarienne extrapéritonéale n'est pas recommandée, elle croit que l'allongement de la durée opératoire, de seulement dix minutes, est un faux problème lors d'une césarienne élective, effectué pour des raisons médicales ou de commodité. " Qu'est-ce que dix minutes de chirurgie en plus des bénéfices pour le patient ? Elle dit.

Une césarienne qui permet d'être acteur de son accouchement

L'engouement pour la césarienne extrapéritonéale s'explique aussi par tout ce qui l'entoure et qui attire toute future maman désireuse deêtre actrice pendant l'accouchement par césarienne.

Car la césarienne extra-péritonéale, dont l'idée est s'approcher au plus près d'un accouchement physiologique, est souvent accompagné d'un petit embout en plastique (appelé « Guillarme souffleur » ou « winner flow »®) dans lequel se rend la femme enceinte. coup pour expulser le bébé par le ventre grâce à la contraction des abdos. Immédiatement après la sortie du bébé, le peau à peau est aussi offert, pour toutes les vertus que l'on connaît : lien mère-enfant, chaleur de la peau…

Mais c'est une erreur de penser que ces approches plus naturelles de l'accouchement ne sont réalisées que dans le cadre d'une césarienne extra-péritonéale. " La buse soufflante et le peau à peau s'intègrent parfaitement dans une césarienne « classique », par Cohen Stark », nous assure le professeur Deruelle. La seule spécificité de la césarienne extrapéritonéale est la technique d'incision. Tout l'accompagnement autour de cette technique peut à réaliser dans d'autres césariennes.

Malheureusement, il faut admettre que cet accompagnement n'est pas toujours proposé aux femmes lors des césariennes et des accouchements conventionnels, d'où leur engouement pour les maisons de naissance et autres salles d'accouchement « naturelles », où leurs projets de naissance semblent plus épanouis et respectés.

Bref, la césarienne extrapéritonéale semble diviser pour l'instant les obstétriciens-gynécologues : peu d'entre eux la pratiquent, certains sont sceptiques, d'autres n'y voient pas son intérêt face à la technique classique... A chacune de se faire son opinion et de choisir selon sa conception de l'accouchement, ses possibilités géographiques, son budget, son appréhension…

Rappelons que pour l'instant, cette technique reste très peu pratiquée en France, dans des cliniques privées assez populaires et peu nombreuses. Une situation déplorée par le Dr Simon, qui se dit pourtant prêt à diffuser sa technique à qui veut l'entendre, et qui ne comprend pas le désintérêt des gynécologues et obstétriciens français pour cette nouvelle approche.

Cependant, on peut penser que, si des études viennent valider les avantages de ce type de césarienne, et que les femmes en font de plus en plus la demande, les réticences des obstétriciens finiront par diminuer au point que surviendra la césarienne extrapéritonéale. pas supplanter la césarienne de Cohen-Stark, mais compléter l'arsenal chirurgical des obstétriciens.

Rappelons enfin que la césarienne reste une intervention chirurgicale qui ne doit être pratiquée qu'en cas de nécessité médicale, face à des situations pathologiques, car le risque de complications est plus important que lors d'un accouchement par voie basse. Le taux de césariennes pratiquées en France est d'environ 20 % des accouchements, sachant que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande un taux entre 10 et 15%.

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