Hyper mères : le point sur le maternage intensif

Hyper mères : le maternage intensif en question

Maternage intensif pour certains, maternage proximal pour d'autres… Co-sommeil, allaitement prolongé, portage en écharpe, ne semblent pas constituer un épiphénomène. Cette conception de la maternité est-elle vraiment épanouissante pour l'enfant ? Comment est-on passée du modèle de la femme active à la résurgence de la maternité triomphante ? Sujet sensible à en croire les experts et les nombreux témoignages des mamans le pratiquant…

Maternage intensif, une définition assez vague

Ces mères « naturelles » sont des mères qui ont choisi de vivre leur grossesse, la naissance de leur bébé et leur façon de l'éduquer avec un seul mot d'ordre : être totalement dévouées à leur enfant et à ses besoins. Leur conviction : le lien qui se tisse avec le bébé durant les premiers mois est une base émotionnelle indestructible. Ils croient qu'il faut offrir à leur enfant une véritable sécurité intérieure, et c'est la clé de son futur équilibre. Ce maternage dit exclusif ou intensif favorise certaines pratiques favorisant le lien unique « mère-enfant ». On y retrouve pêle-mêle : chant prénatal, accouchement naturel, accouchement à domicile, allaitement tardif, sevrage naturel, portage, co-dodo, peau à peau, couches lavables, une alimentation bio, hygiène naturelle, médecine douce et alternative, éducation sans violence, et des pédagogies éducatives alternatives comme Freinet, Steiner ou Montessori, voire l'éducation familiale.

Une mère témoigne sur les forums : « En tant que mère de jumeaux, je les ai allaités joyeusement, dans la position dite du « loup », allongée sur le côté dans le lit. C'était vraiment génial. J'ai fait la même chose pour mon 3ème enfant. Mon mari me soutient dans cette démarche. J'ai aussi testé l'écharpe de portage, c'est super et ça apaise les bébés. "

De la garde d'enfants « à la dure » aux « hypermaternantes »

La pratique de la maternage proximal a vu le jour outre-Atlantique. L'une des figures de proue est le pédiatre américain William Sears, auteur de l'expression "attachement parental". Ce concept est basé sur la théorie de l'attachement développée par John Bowlby, psychiatre et psychanalyste anglais, décédé en 1990. Pour lui, l'attachement est l'un des principaux besoins d'un jeune enfant, comme manger ou dormir. Ce n'est que lorsque ses besoins de proximité sont satisfaits qu'il peut s'éloigner de la figure parentale qui le sécurise pour explorer le monde. Depuis quinze ans, nous assistons à un changement : d'un modèle prônant de laisser pleurer un nourrisson, de ne pas le prendre dans son lit, on est progressivement passé à la tendance inverse. Le portage, l'allaitement tardif ou le co-dodo ont de plus en plus d'adeptes.

Une maman témoigne de sa candidature pour répondre au portrait type de la mère maternante : « emmailloter, oui je l'ai fait, allaiter aussi, dormir dans une gigoteuse oui et, en plus, à la fois papa et moi, le foulard non j'ai préféré l'avoir dans mes bras ou dans mon manteau. Pour la langue des signes c'est spécial, Naïss est dans deux clubs un « signe avec tes mains » et un deuxième « petites mains », et pourtant je ne suis ni sourde ni muette. "

Répondre aux besoins des bébés

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Le spécialiste Claude Didier Jean Jouveau, ex-président de la Ligue Leche et auteur de plusieurs ouvrages sur l'allaitement, a depuis des années compris et soutenu ces mères dites « hyper maternelles ». Elle explique : « Ces mères répondent simplement au besoin du nourrisson d'être porté et nourri à la demande. Je ne comprends pas ce tabou en France alors que dans d'autres pays tout semble normal ». Elle poursuit : « Quand le bébé humain naît, nous savons que son développement physique n'est pas complet. Les anthropologues l'appellent le « foetus ex-utero ». C'est comme si le bébé humain était né prématurément même s'il se terminait en fait par le nombre de semaines d'aménorrhée. En comparaison avec la progéniture des animaux, le bébé humain aura besoin de deux ans pendant lesquels il acquerra de l'autonomie, tandis qu'un poulain par exemple devient autonome assez rapidement après la naissance ».

Prends ton bébé contre toi, l'allaiter, portez-le souvent, gardez-le près de vous la nuit… pour elle, ce maternage proximal est nécessaire et même indispensable. Le spécialiste ne comprend pas les réticences de certains experts. , « La première année après la grossesse, il faut une continuité, le nourrisson doit sentir que sa mère l'aide à se développer ».

Les risques de l'hypermaternage

Sylvain Missonnier, psychanalyste et professeur de psychopathologie clinique de la périnatalité à l'université Paris-V-René-Descartes, est beaucoup plus réservé face à ce maternage intensif. Dans son livre « Devenir parent, né humain. La diagonale virtuelle » publiée en 2009, il expose un autre point de vue : pour lui, le bébé doit vivre une série deessais de séparation as naissance, sevrage, apprentissage de la propreté, qui sont des étapes essentielles pour préparer l'enfant à prendre son autonomie. Cet auteur prend l'exemple du « peau à peau » pratiqué trop longtemps, considéré comme un frein à un apprentissage fondamental des bébés, celui de la séparation. Pour lui, le processus éducatif ne peut exister sans mettre ces séparations à l'épreuve. Certaines pratiques présentent également un risque physique. Le co-dodo par exemple, qui augmente le risque de mort subite lorsque le bébé est allongé dans le lit parental. La Société française de pédiatrie rappelle à ce sujet les bonnes pratiques du sommeil des nourrissons : sur le dos, dans un sac de couchage et dans un lit le plus vide possible sur un matelas dur. Les experts s'inquiètent également des quelques cas de mort subite survenus alors que l'enfant était porté en écharpe.

Certaines mères témoignent avec ardeur contre ces pratiques sur les forums et pas seulement pour le risque potentiellement mortel du co-sommeil : « Je n'ai pas pratiqué ce genre de méthode et encore moins le « co-sommeil ». Faire dormir l'enfant dans le même lit que les parents, c'est donner aux enfants de mauvaises habitudes. Chacun a son lit, ma fille a le sien et nous avons le nôtre. je pense qu'il vaut mieux garder l'intimité du couple. Je trouve le mot maternage pour ma part bizarre, car ce mot exclut totalement le papa et c'est une des raisons pour lesquelles je n'ai pas allaité de toute façon. "

Le statut des femmes en hypermaternage

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Ce sujet soulève nécessairement des questions sur les conséquences de ces pratiques, très engageantes pour les mères, sur le statut plus général des femmes. Quelles sont les mères séduites par le maternage intensif ? Certains d'entre eux sont plutôt diplômés et ont souvent quitté le monde du travail à la suite d'une congé maternité. Elles expliquent combien il leur est difficile de concilier leur vie de famille avec des contraintes professionnelles et une vision très exigeante de la maternité avec d'autres activités. Est-ce un retour en arrière comme le prétend Elisabeth Badinter dans son livre « Le conflit : la femme et la mère » paru en 2010 ? Le philosophe fustige un discours réactionnaire qui confine les femmes à leur rôle de mères, avec par exemple ce qu'elle considère comme un diktat concernant l'allaitement. La philosophe dénonce ainsi un modèle maternel chargé de trop d'attentes, de contraintes et d'obligations pour les femmes.

On peut en effet se demander dans quelle mesure ces mères « hyper » ne cherchent pas à échapper à un monde du travail perçu comme stressant et peu valorisant, et qui ne prend pas suffisamment en compte leur statut de mère. Une hyper maternité vécue en quelque sorte comme un refuge dans un monde en crise et plein d'incertitudes. 

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