J'ai été abusé par mon père

Mon père m'a maltraité quand je n'avais que 6 ans

En témoignant, J'espère donner la force aux victimes d'inceste ou de pédophilie de prendre la parole ou de dénoncer leur bourreau. Même si, je dois l'avouer, c'est difficile. Mon père a abusé de moi quand je n'avais que 6 ans. En fait, j'habitais en France avec ma mère, sa compagne et ma demi-soeur. Celui que j'appelle maintenant mon père est revenu sur son île d'origine alors que je n'avais qu'un an. J'étais aimé mais j'ai vu ma sœur avec son père et sa mère. Je ne comprenais pas pourquoi je n'y avais pas droit. Je voulais mieux connaître mon père. Je ne l'avais vu qu'en photos. Je l'ai souvent appelé. Après discussion et réflexion, ma mère m'envoya à La Réunion l'année de ma première année. J'étais ravi, mais peu de temps après mon arrivée, le cauchemar a commencé. Mon père n'a pas tardé à abuser de moi. Durant cette année, j'étais bien sûr en contact avec ma mère, mais je n'ai jamais osé lui dire ce que je vivais. Même après son retour en France. Je suis rentré à la Réunion pendant les vacances d'été, pour deux mois, à l'âge de 8 ans. Bizarrement, je n'ai exprimé aucune réticence. Ma mère ne pouvait rien soupçonner. J'étais pressé d'aller voir ma grand-mère, ma famille… sans penser particulièrement à ce que mon père m'avait fait. Je pense même que j'étais heureuse de le revoir, je n'étais qu'un enfant...

Ma mère a découvert ce qui s'est passé quand j'avais 9 ans en lisant mon journal. Car j'ai décrit précisément les scènes en citant « papa ». Au début, elle pensait que je parlais de mon beau-père. Mais je lui ai dit tout de suite que c'était mon vrai père. Elle s'est effondrée. Elle a pleuré pendant des jours et des jours. Elle se sentait coupable de m'avoir envoyé là-bas. J'ai essayé de lui dire que ce n'était pas de sa faute, qu'elle voulait juste faire ce qu'il fallait et respecter ma demande. Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais rien laissé transparaître. Je me sentais fautif. Mon père m'a fait croire que c'était normal, mais je savais que quelque chose n'allait pas. J'étais perdu. Quand elle l'a découvert, ma mère m'a beaucoup écouté. Bien sûr, elle a pris contact avec mon père qui l'a totalement nié. Selon lui, j'étais un vicieux. Il a même dit que je l'avais cherché ! Encore une fois, c'était de ma faute...

À l'époque, mon père vivait avec ses parents. Il y avait aussi mon oncle dans cette grande maison familiale, mais je ne pense pas qu'ils se doutaient qu'il me faisait endurer. Un jour, j'ai eu envie d'en parler à un cousin alors que j'étais à la Réunion. Nous étions dans ma chambre. Mon père avait laissé une photo pornographique de lui avec sa petite amie dans un livre qu'il m'a obligé à regarder. Je voulais tout lui montrer et tout lui dire, mais j'ai abandonné. Je me suis dit qu'elle penserait que j'étais une mauvaise fille. Mon calvaire a peut-être pu s'arrêter à ce moment-là…

Ma mère m'a beaucoup soutenu mais j'aimais pas trop me confier. Je ne voulais pas avoir de suivi psychologique. Je ne me sentais pas capable de tout dire à un psychologue. Difficile de reconstruire après une telle chose. On a du mal à en parler, on pleure souvent, on y pense tout le temps. Quand j'étais petite, j'avais du mal à parler aux autres, surtout aux hommes. Et ma relation avec la race masculine était difficile. J'ai même repoussé les garçons à un moment donné. Je me suis dit pourquoi pas les filles… Mais surtout, je ne sortais pas avec des noirs, même si elles m'attiraient aussi. Je bloquais à cause de mon parent. C'était aussi compliqué avec mon compagnon. Il était mon premier petit ami métis. J'ai fondu en larmes lors de notre première nuit ensemble. La vue de son sexe raviva tout ce que j'avais vécu. Heureusement, il était compréhensif. Il m'a écouté et a su trouver les mots pour me rassurer en me disant qu'il ne me ferait jamais de mal. Il était là pour moi et aujourd'hui nous avons un garçon de 3 ans. Je suis une maman heureuse mais j'ai extrêmement peur que cela arrive à mon fils. En même temps, je ne veux pas lui faire part de mes angoisses et j'essaye de ne pas trop le protéger. Ce qui est atroce, c'est que cela peut venir de la famille, des professeurs de sport...partout ! Il est certain qu'au moindre signe, je serais vigilant, je serais immédiatement sur le qui-vive. Je lui ai toujours dit que personne n'est autorisé à toucher ses parties intimes, pas même maman ou papa, qu'il doit m'avertir si quelqu'un essaie de lui faire du mal. Je préfère prévenir que guérir. Pour moi, la prévention est essentielle ! Par ailleurs, je suis assistante maternelle, et je pense que mon travail est dû à ce que j'ai subi étant petite. J'ai ce besoin d'être avec les enfants et de les protéger. Nous sommes les premiers à découvrir les signes de maltraitance, d'abus sexuel. Mon travail m'a permis de prendre confiance en moi et de m'ouvrir, car j'étais très repliée sur moi-même avant.

Cette tragédie fera toujours partie de ma vie. Je me suis construit comme ça. Chacun a ses secrets et ses douleurs. Mais, aujourd'hui, je suis heureux. J'ai mon fils, un homme qui m'aime, un cadeau de famille. Je ne peux pas dire que je méprise mon père. Je pense que c'est un patient qui devrait se faire soigner, qu'il n'a pas réalisé l'impact de ses actes. Je suis marqué à jamais mais j'ai l'impression de l'avoir presque pardonné. Maintenant, je peux en parler sans pleurer. Et si je n'ai pas encore porté plainte, j'y pense beaucoup aujourd'hui. Il se passe beaucoup de choses dans ma tête en ce moment. Tout refait surface. J'ai encore 11 ans pour porter plainte, jusqu'à mes 36 ans. Il a déjà purgé cinq ans de prison pour pédophilie et est maintenant en liberté sous caution. Au prochain rapport, il retourne en prison pour très longtemps. Compte tenu de ce qu'il a fait, cela mérite réflexion. Principalement pour montrer à tout le monde qui il est et qu'il ne le fasse plus jamais.

Mardi 5 mai 2015, un amendement à un projet de loi sur la protection de l'enfance a été voté par la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale afin d'inscrire la notion d'inceste dans le Code pénal. En effet, la loi actuelle ne précise que les agressions sexuelles et les relations avec des mineurs.

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