Le lait : bon ou mauvais pour la santé ? Entretien avec Marie-Claude Bertière

Le lait : bon ou mauvais pour la santé ? Entretien avec Marie-Claude Bertière

Entretien avec Marie-Claude Bertière, Directrice du département CNIEL (Centre National Interprofessionnel de l'Economie Laitière) et nutritionniste.
 

"Se priver de produits laitiers conduit à des déficits au-delà du calcium"

Comment avez-vous réagi suite à la publication de cette fameuse étude BMJ qui associe consommation élevée de lait et mortalité accrue ?

Je l'ai lu dans son intégralité et j'ai été étonné de la façon dont cette étude a été reçue dans les médias. Parce qu'il dit très clairement 2 choses. La première est qu'une consommation très élevée de lait (plus de 600 ml par jour, ce qui est bien supérieur à la consommation des Français qui est de 100 ml/jour en moyenne) est associée à une augmentation de la mortalité chez les femmes suédoises. La seconde est que la consommation de yaourt et de fromage est au contraire associée à une réduction de la mortalité.

Je partage également l'avis des auteurs qui eux-mêmes concluent que ces résultats doivent être interprétés avec prudence car il s'agit d'une étude observationnelle qui ne permet pas de conclure à une relation causale et que d'autres études donnent des résultats différents.

Quelles sont les raisons pour lesquelles le lait est si recommandable ?

Pour la même raison que nous recommandons de consommer des fruits et légumes. Le lait et les produits laitiers fournissent des nutriments spécifiques, ils constituent donc un groupe alimentaire à part entière. L'homme étant omnivore, il doit puiser chaque jour dans chacun de ces groupes. D'où la recommandation de 3 portions de produits laitiers par jour et 5 portions de fruits et légumes par jour.

Le lait possède en effet un nombre exceptionnel de nutriments, mais les graisses qu'il contient sont majoritairement des graisses saturées… Faut-il donc en limiter la consommation ?

Le lait contient majoritairement de l'eau, environ 90%, et peu de matière grasse : 3,5 g de matière grasse pour 100 ml lorsqu'il est entier, 1,6 g lorsqu'il est demi-écrémé (le plus consommé) et moins 0,5 g lorsqu'il est est écrémé. Les deux tiers sont des acides gras saturés très variés, qui ne sont d'ailleurs pas associés au risque de maladies cardiovasculaires. Il n'y a pas de limite de consommation « officielle » : le lait fait partie des 3 produits laitiers recommandés (une portion correspondant à 150 ml) et il convient de les varier. Selon la dernière enquête CCAF, le lait apporte moins de 1 gramme d'acides gras saturés par jour et par adulte.

Le lien entre le calcium et l'ostéoporose est-il vraiment prouvé ?

L'ostéoporose est une maladie multifactorielle, qui fait intervenir des facteurs génétiques et environnementaux tels que l'activité physique, l'apport en vitamine D, en protéines mais aussi en calcium… Oui, vous avez besoin de calcium pour construire et entretenir votre squelette. Des études montrent un lien entre le calcium, la masse osseuse et le risque de fracture. Et les végétaliens qui excluent tous les produits d'origine animale ont un risque accru de fracture.

Comment expliquez-vous que le lait fasse débat ? Seuls les professionnels de santéé prendre position contre sa consommation ?

La nourriture a toujours suscité des modes ou des peurs irrationnelles. C'est un processus d'incorporation qui va bien au-delà de fournir du carburant au corps. C'est aussi une question de culture, d'histoire familiale, de symboles… Le lait est un aliment hautement symbolique, ce qui explique sans doute la passion avec laquelle il est loué ou critiqué. Mais la grande majorité des professionnels de santé et tous les nutritionnistes et diététiciens recommandent la consommation de produits laitiers dans le cadre d'une alimentation équilibrée.

Les critiques du lait rapportent un lien entre sa consommation et certaines maladies inflammatoires, notamment dues à la perméabilité intestinale causée par les protéines du lait. Que pensez-vous de cette théorie ? Les études vont-elles dans ce sens ?

Non, au contraire, les études sur l'inflammation tendent à aller dans le sens inverse. Et s'il y avait un problème de perméabilité intestinale, cela concernerait évidemment aussi des substances autres que celles contenues dans le lait. Mais plus largement, comment peut-on penser qu'un aliment destiné aux tout-petits puisse être « toxique » ? Car tout lait, quel que soit le mammifère, contient les mêmes éléments et notamment les constituants protéiques. Seule la proportion de ces constituants varie.

Peut-on raisonnablement se passer de produits laitiers ? Quelles seraient les alternatives possibles, selon vous ? Sont-ils équivalents ?

Se passer d'un groupe d'aliments avec ses propres caractéristiques nutritionnelles revient à compenser le déficit en nutriments. Par exemple, se passer de produits laitiers, c'est trouver du calcium, des vitamines B2 et B12, de l'iode… dans d'autres aliments. En effet, le lait et ses dérivés sont les principales sources de notre alimentation. Ainsi, le lait et les produits laitiers fournissent 50 % du calcium que nous consommons chaque jour. Pour compenser ce déficit, il faudrait consommer tous les jours par exemple 8 assiettes de choux ou 250 g d'amandes, ce qui semble peu pratique et sans doute inconfortable d'un point de vue digestif… De plus, cela ne compense pas les déficits en iode et les vitamines, et les amandes étant très caloriques, l'apport énergétique augmente et déséquilibre l'apport en acides gras essentiels. Quant au jus de soja, il existe des versions enrichies artificiellement en calcium, mais les autres micronutriments du lait manquent. Se passer de produits laitiers est compliqué, perturbe les habitudes alimentaires et entraîne des déficits bien au-delà du calcium.

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Ses défenseurs

Jean Michel Lecerf

Responsable du département Nutrition à l'Institut Pasteur de Lille

"Le lait n'est pas un mauvais aliment !"

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Marie-Claude Bertière

Directeur du département CNIEL et nutritionniste

"Se priver de produits laitiers conduit à des déficits au-delà du calcium"

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Ses détracteurs

Marion Kaplan

Bio-nutritionniste spécialisée en médecine énergétique

"Pas de lait après 3 ans"

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Hervé Berbille

Ingénieur en agro-alimentaire et diplômé en ethno-pharmacologie.

« Peu d'avantages et beaucoup de risques !

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