Phobie scolaire : comment accompagner un enfant pour le retour à l'école après le confinement ?

Le retour à l'école après de longues semaines de confinement ressemble à un casse-tête, difficile à résoudre pour les parents. Un puzzle encore plus complexe pour les parents d'enfants souffrant de phobie scolaire. Car cette période d'éloignement des classes a le plus souvent accentué leur désarroi et leur angoisse. Angie Cochet, psychologue clinicienne à Orléans (Loiret), prévient et explique pourquoi une prise en charge spécifique de ces enfants est importante dans ce contexte inédit.

En quoi le confinement est-il un facteur aggravant de la phobie scolaire ?

Angie Cochet : Pour se protéger, l'enfant qui souffre de phobie scolaire ira naturellement se positionner dans l'évitement. Le confinement est assez propice au maintien de ce comportement, ce qui rend la rentrée encore plus difficile. L'évitement est normal pour eux, mais les expositions doivent être progressives. L'inscription forcée d'un enfant à l'école à temps plein est exclue. Cela renforcerait l'anxiété. Les spécialistes sont là pour aider dans cette exposition progressive, et pour accompagner des parents souvent démunis et culpabilisés. De plus, les mesures de déconfinement peinent à se mettre en place, et l'enfant ne peut pas s'y préparer. Le pire sera le week-end avant la reprise.

Plus généralement, à quoi est due cette phobie, désormais appelée « refus scolaire anxieux », ?

CA : Les enfants ayant un « refus scolaire anxieux » se sentent une peur irrationnelle de l'école, du système scolaire. Cela peut se manifester par un fort absentéisme notamment. Il n'y a pas une cause, mais plusieurs. Elle peut toucher les enfants dits « à haut potentiel » qui, parce qu'ils peuvent s'ennuyer à l'école, ont une impression de lenteur dans leurs apprentissages, ce qui génère de l'anxiété. Ils ne veulent plus aller à l'école, même s'ils veulent toujours apprendre. Aussi bien que enfants victimes de harcèlement à l'école. Pour d'autres, c'est la peur du regard d'autrui qui pèse lourd, notamment dans les schémas de perfection exprimés par anxiété de performance. Ou enfants multi-dys et TDAH (trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité), qui ont des troubles d'apprentissage, qui nécessitent des aménagements scolaires. Ils sont confrontés à des difficultés d'adaptation au système scolaire académique et standardisé.

Quels sont les symptômes habituels de cette phobie scolaire ?

CA : Certains enfants peuvent somatiser. Ils se plaignent de maux de ventre, de maux de tête, ou peut également ressentir une douleur plus intense et faire crises de panique, parfois sévère. Ils peuvent mener des jours de semaine normaux, mais avoir une poussée d'anxiété le dimanche soir après la pause du week-end. Le pire étant la période des vacances scolaires, la récupération est une période très difficile. Dans les cas les plus graves, l'état général de ses enfants ne s'améliore que lorsqu'ils quittent le système scolaire traditionnel.

Que peuvent mettre en place les parents pendant le confinement pour faciliter le retour à l'école ?

CA : L'enfant doit être exposé à son école, autant que possible ; passez devant ou allez sur Google Maps pour voir la propriété. Regardez de temps en temps des photos de classe, de cartable, car celui-ci peut demander l'aide du professeur. Il faut les faire parler pour désamorcer l'anxiété de retourner à l'école, en parler avec l'enseignant pour minimiser le drame, et reprendre les activités scolaires régulières avant le 11 mai. Gardez le contact avec un camarade de classe qui le jour de la reprise pourrait l'accompagner pour qu'il ne se retrouve pas seul. Ces enfants doivent pouvoir reprendre l'école progressivement, une à deux fois par semaine. Mais la difficulté est que ce ne sera pas une priorité pour les enseignants dans le cadre du déconfinement.

Des professionnels et divers organismes proposent également des solutions…

CA : Nous pouvons également mettre en place un suivi psychologique en vidéo, voire de mettre en relation psychologues et enseignants. Plus généralement, il existe en effet des aménagements spécifiques pour ces enfants, avec recours possible au CNED ou au Sapad partagé (1) comme une grenouille » vidéos.

Les parents ont-ils une responsabilité dans le refus anxieux d'aller à l'école que manifestent certains enfants ?

CA : Disons que si parfois cette angoisse s'installe par mimétisme face aux parents anxieux eux-mêmes, c'est avant tout un trait de caractère inné. Les premiers signes apparaissent souvent dès la toute petite enfance. Les enseignants ont un rôle à jouer dans l'identification, pas seulement les parents, et le diagnostic doit être posé par un pédopsychiatre. Leur entourage, enseignants, professionnels de santé ou les enfants eux-mêmes peuvent être très coupables envers les parents, à qui l'on reproche de trop écouter ou pas assez, d'être trop trop protecteurs ou pas assez. Chez les enfants qui souffrent d'anxiété de séparation, ils peuvent eux-mêmes blâmer leurs parents de les avoir forcés à aller à l'école. Et les parents qui ne scolarisent pas leur enfant peuvent faire l'objet d'un signalement à l'Aide à l'enfance, c'est la double peine. En fait, ils sont aussi stressés que leurs enfants, ce qui rend la tâche éducative difficile et compliquée au quotidien, ils nourrissent la conviction qu'ils ont raté quelque chose. Ils ont besoin d'une aide extérieure et professionnelle telle que soins psychologiques, et un accompagnement spécifique dans les écoles.

Dans ce contexte de coronavirus, d'autres profils d'enfants anxieux sont-ils « à risque », selon vous ?

A.C. : Oui, d'autres profils sont potentiellement vulnérables à l'approche de la reprise des cours. On peut citer les enfants qui souffrent de phobie de la maladie, qui auront des difficultés à retourner à l'école par peur de tomber malade ou de transmettre la maladie à leurs parents. Tout comme les écoliers phobiques, ils doivent être soutenus et favorisés le dialogue familial, voire de professionnels, actuellement consultables à distance.

(1) Les services d'aide à l'éducation à domicile (Sapad) sont des systèmes d'éducation nationale départementaux destinés à offrir aux enfants et adolescents ayant des problèmes de santé ou des accidents un soutien scolaire à domicile. Il s'agit d'assurer la continuité de leur éducation. Ces dispositifs s'inscrivent dans la complémentarité du service public, qui garantit le droit à l'éducation de tout étudiant malade ou accidenté. Ils ont été mis en place par la circulaire n°98-151 du 17-7-1998.

Propos recueillis par Elodie Cerqueira

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