L'interdiction rend nos enfants intelligents !

Entretien avec Gabrielle Rubin sur les interdits dans le développement de l'enfant

Parents : Selon vous, l'interdit construit la pensée et permet à l'enfant de créer. Quelle est l'interdiction?

Gabrielle Rubin : Ceux-ci sont tous interdits. Ceux dictés par la société et tous les fameux « Tu ne dois pas faire ça », « Tu ne dois pas jeter ta bouillie par terre », « Je t'interdis de te battre à l'école ». C'est simple : quand on interdit à quelqu'un de faire quelque chose, et en particulier à un enfant, il ne veut qu'une chose… et c'est trouver un moyen d'aller voir ce qui se passe derrière. C'est le thème du conte de Barbe Bleue, dont la femme pousse la porte du château qu'elle ne doit pas ouvrir !

P. : Lorsque nous imposons des interdits, ne risquons-nous pas de bloquer notre curiosité, notre envie d'apprendre ?

GR : Au contraire. Maintenant, nous disons tout aux enfants, même aux tout-petits. Y compris des informations sur la sexualité. Mais le mystère développe aussi l'intelligence. Prenons l'exemple d'un jeune enfant qui apprend qu'il aura bientôt un petit frère. Il se posera des questions sur « comment fait-on des bébés ». Si, au lieu de tout dire, on répond que l'explication n'est pas pour tout de suite, qu'il est trop jeune, il cherche et fait des hypothèses, souvent fausses et même farfelues. Mais, petit à petit, au fil du temps, cela arrive tout seul à quelque chose qui ressemble à la vraie chose. C'est ce qu'on appelle la méthode « essai et erreur », qui est la base de toute science, de toutes les découvertes scientifiques. Et c'est ce que fait l'enfant : il essaie, il voit que ça ne marche pas très bien, il essaie autrement.

P. : Existe-t-il des interdits plus « intelligents » que d'autres ?

GR : Il est important de rappeler aux enfants et aux parents que les interdits sont indispensables pour fixer des limites. Alors que la tendance actuelle est plutôt de les effacer. Mais bien sûr, si une interdiction est injuste ou absurde, elle peut avoir des effets néfastes. Il existe en effet de terribles interdits, et la psychanalyse sert à en annuler les effets ! Ainsi, dire à un enfant qu'il n'aura pas le droit de faire tel ou tel travail ou qu'il est trop bête pour aller à l'école, ralentira son bon développement. Et quand, à l'âge adulte, on fait une psychanalyse, on commence par se demander pourquoi je suis comme ça, pourquoi, par exemple, je végète en dessous de mes possibilités, pourquoi je n'ai pas trouvé le conjoint qui me correspond. Nous nous posons des questions qui nous ramènent à ces interdits néfastes.

P. : La société d'aujourd'hui semble évoluer vers le rejet des interdits dans l'éducation. Pourquoi ?

GR : Le rejet des interdits trouve une de ses sources dans le rejet actuel de l'autorité paternelle. Ceci est mal vécu et mal perçu par la société. Les parents se sentent coupables lorsqu'ils usent d'un peu de fermeté. Soyons clairs : par autorité, il ne s'agit pas de maltraiter l'enfant. Mais de fixer des limites claires entre ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Les parents n'osent plus. La tendance est « Pauvre chéri, on le traumatise ». " Au contraire ! Nous le rendons intelligent. Et en plus, on le rassure. Lorsque nous ne connaissons pas la route à suivre, nous avons besoin d'un adulte pour nous orienter. Plus grand, on peut le changer si on veut ! 

* Auteur de « Pourquoi la prohibition rend nos enfants intelligents », éd. Eyrolles.

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