La chronique de Julien Blanc-Gras : "Comment le papa apprend à l'enfant à nager"

Classons les choses qui rendent les enfants heureux (ou hystériques) :

1. Ouvrez les cadeaux de Noël.

2. Ouvrez les cadeaux d'anniversaire.

3. Plongez dans une piscine.

 Le problème est que les humains, même s'ils ont passé neuf mois dans leur liquide amniotique, ne savent pas nager à la naissance. Aussi, quand arrive l'été, avec ses plages et ses piscines, le père responsable veut assurer la sécurité de sa progéniture en lui apprenant les rudiments de la brasse ou du dos. Personnellement, j'avais prévu de l'inscrire pour les bébés nageurs, mais finalement, on a oublié, le temps passe tellement vite.

Nous voici donc au bord de la piscine avec un enfant de 3 ans, au moment des consignes.

– Vous pouvez aller dans l'eau, mais uniquement avec vos brassards et en présence d'un adulte.

L'enfant passe des heures à jouer dans la piscine, accroché à son père, qui l'encourage, lui montre comment taper du pied et mettre la tête sous l'eau. Moment privilégié, bonheur simple. Même si, au bout d'un moment, vous ne pouvez plus être heureux. C'est les vacances, on a juste envie de bronzer sur un transat.

– Je veux nager seul avec les brassards, déclare un beau jour l'enfant (l'année suivante en fait).

Les parents remercient Dieu, qui a inventé les bouées pour leur permettre de lire un livre pépouze pendant que le bambin pagaie en toute sécurité. Mais la tranquillité n'est jamais acquise, et quelque temps plus tard, l'enfant formule :

– Comment nagez-vous sans brassards ?

Le papa retourne alors à la piscine.

– On va essayer de faire de la planche d'abord, fiston.

Soutenu par les mains paternelles, l'enfant s'installe sur le dos, bras et jambes en étoile.

– Gonflez vos poumons.

Le père retire une main.

Puis une seconde.

Et l'enfant coule.

C'est normal, ça ne marche pas du premier coup. Nous le repêchons.

 

Après quelques tentatives, le père retire ses mains et l'enfant flotte, le sourire aux lèvres. Le tendre père (quoique vigilant) crie à la mère "film, filme, bordel, regarde, notre fils sait nager, enfin presque" ce qui renforce la fierté de l'enfant, qui est immense, mais pas autant que celle du père . .

Pour fêter ça, il est grand temps de commander deux mojitos (et une grenadine pour le petit, s'il vous plaît).

Le prochain matin. 6h46

– Papa, on va nager ?

Le père, qui a encore des traces de mojito dans le sang, explique à ses descendants enthousiastes que la piscine n'ouvre qu'à 8 heures du matin. L'enfant hoche la tête.

Puis, à 6h49, il demande :

– Il est 8 heures ? Allons-nous nager?

Nous ne pouvons pas lui en vouloir. Il veut utiliser ses nouvelles compétences.

 A 8 heures précises, l'enfant saute à l'eau, planche, flotte, donne des coups de pied. Il avance. Traversez la piscine dans sa largeur. Seul. Sans brassards. Il nage. En 24 heures, il a fait un saut quantique. Quelle meilleure métaphore pour l'éducation ? On porte un être juvénile, on l'accompagne et il se détache peu à peu, saisissant son autonomie pour aller, de plus en plus loin, vers l'accomplissement de son destin.

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