Tu peux être une bonne mère même si tu as eu une mère toxique

Être une bonne mère serait possible quand on a eu soi-même une mère toxique

Ma mère m'a donné naissance, c'est le seul cadeau qu'elle m'ait jamais fait mais je suis résistant ! Pour moi, c'est une non-mère, car elle m'a élevé sans aucun signe d'affection ni de tendresse. J'ai longtemps hésité à avoir un bébé, étant donné la mère effrayante que j'avais eue, je pensais que j'étais dénuée d'instinct maternel par rapport aux autres femmes. Plus ma grossesse avançait, plus j'étais stressée. Câlins, bisous, berceuses, peau à peau, cœur rempli d'amour, j'ai découvert ce bonheur avec Paloma, ma fille, et c'est tellement génial. Je regrette encore plus de ne pas avoir reçu l'amour maternel étant enfant, mais je me rattrape. « Élodie fait partie de ces jeunes mères qui n'ont pas eu la chance d'avoir une mère attentionnée, une mère « assez bonne », selon le pédiatre Winnicott et qui, du coup, se demandent si elles parviendront à être une bonne mère. mère. Comme l'explique la psychiatre Liliane Daligan* : « Une mère peut échouer à plusieurs niveaux. Elle peut être déprimée et ne pas du tout donner vie à son enfant. Il peut être violent physiquement et/ou psychiquement abusif. Dans ce cas, l'enfant est humilié, insulté et systématiquement dévalorisé. Elle peut être complètement indifférente. L'enfant ne reçoit aucun témoignage de tendresse, on parle donc d'un enfant « bonsaï » qui a du mal à grandir et accumule des retards de développement. Il n'est pas facile de se projeter dans une maternité épanouissante et dans son rôle de mère quand on n'a pas de modèle maternel positif auquel s'identifier et se référer.

Soyez la mère parfaite que nous n'avons pas eu

Cette anxiété, cette peur de ne pas être à la hauteur, ne se manifeste pas forcément avant de décider de concevoir un bébé ou pendant sa grossesse. Comme le souligne la psychologue et psychanalyste Brigitte Allain-Dupré** : « Lorsqu'une femme est engagée dans un projet familial, elle est protégée par une forme d'amnésie, elle oublie qu'elle a eu une mauvaise relation avec sa mère, son regard est plus tourné vers l'avenir que vers le passé. Son histoire difficile avec une mère défaillante est susceptible de refaire surface lorsque le bébé est là. « C'est en effet ce qui est arrivé à Élodie, maman d'Anselme, 10 mois : « J'ai vaguement senti que quelque chose n'allait pas avec Anselme. Je me mettais sous une pression impossible, car je me disais toujours que je serais la mère irréprochable que je n'avais pas ! Ma mère était une fêtarde qui sortait tout le temps et nous laissait souvent seuls, mon petit frère et moi. J'ai beaucoup souffert et je voulais que tout soit parfait pour ma chérie. Mais Anselme pleurait trop, ne mangeait pas, ne dormait pas bien. J'avais l'impression d'être en dessous de tout ! Les femmes qui ont eu une mère défaillante assument souvent consciemment ou inconsciemment la mission d'être une mère idéale. Selon Brigitte Allain-Dupré : « Viser la perfection est une manière de réparer, de panser en soi la blessure de mère. Ils se disent que tout va être merveilleux, et le retour à la réalité (nuits blanches, épuisement, vergetures, pleurs, une libido avec le conjoint pas au top…) est douloureux. Ils se rendent compte qu'être parfait est impossible et se sentent coupables de ne pas correspondre à leur illusion. Les difficultés d'allaitement ou tout simplement le désir légitime de nourrir son bébé au biberon sont interprétés comme la preuve qu'elles ne trouvent pas leur place de mère ! Elles n'assument pas leur choix, alors qu'un biberon donné avec plaisir vaut mieux qu'un sein donné « parce que c'est nécessaire » et que si la maman est plus rassurée en donnant le biberon, ce sera dur. bien à son petit bébé. La psychiatre Liliane Daligan fait le même constat : « Les femmes qui ont eu une mère défaillante sont souvent plus exigeantes envers elles-mêmes que les autres car elles veulent faire le contraire de leur mère qui est une « anti-modèle » ! Elles s'épuisent à essayer d'être la mère idéale d'un enfant idéal, elles mettent la barre trop haute. Leur enfant n'est jamais assez propre, assez heureux, assez intelligent, ils se sentent responsables de tout. Dès que l'enfant n'est pas au top, c'est la catastrophe, et tout est de leur faute. "

Un risque de dépression post-partum

Toute jeune maman débutante rencontre des difficultés, mais celles qui manquent de sécurité affective maternelle sont très vite découragées. Comme tout n'est pas idyllique, elles sont persuadées qu'elles se sont trompées, qu'elles ne sont pas faites pour la maternité. Puisque tout n'est pas positif, tout devient négatif et ils dépriment. Dès qu'une mère se sent dépassée, il est essentiel qu'elle ne reste pas avec sa honte, qu'elle parle de ses difficultés à ses proches, au père du bébé ou, si elle ne peut pas, aux soignants du bébé. le PMI dont elle dépend, à une sage-femme, son médecin traitant, son pédiatre ou un psy, car la dépression post-partum peut avoir des conséquences graves pour le bébé si elle n'est pas traitée rapidement. Quand une femme devient mère, ses relations compliquées avec sa propre mère refont surface, elle se souvient de toutes les injustices, cruautés, critiques, indifférences, froideurs… Comme le souligne Brigitte Allain-Dupré : « La psychothérapie permet de comprendre que leur l'abus de la mère était lié à son histoire, que ce n'était pas pour eux, que ce n'était pas parce qu'ils n'étaient pas assez bons pour être aimés. Les jeunes mères prennent aussi conscience que les relations mère/bébé étaient moins démonstratives, moins tactiles et souvent plus distantes dans les générations précédentes, que les mères étaient « opératives », c'est-à-dire qu'elles les nourrissaient et les nourrissaient. soins, mais que parfois « le cœur n'y était pas ». Certains découvrent aussi que leur mère était en dépression post-partum et que personne ne s'en est rendu compte, car on n'en parlait pas à l'époque. Cette mise en perspective permet de mettre à distance les mauvaises relations avec sa propre mère et d'accepter l'ambivalence, c'est-à-dire le fait qu'il y a du bon et du mauvais en chacun, y compris en soi. Ils peuvent enfin se dire : » Ça m'excite d'avoir un enfant, mais le prix à payer ne va pas être drôle tous les jours, il y aura du positif et du négatif, comme toutes les mères du monde. "

La peur de reproduire ce que nous avons vécu

Outre la peur de ne pas assurer, l'autre peur qui tourmente les mères est celle de reproduire avec leurs bébés ce qu'elles ont souffert de leur mère lorsqu'elles étaient enfants. Marine, par exemple, a eu cette angoisse lorsqu'elle a donné naissance à Evariste. « Je suis un enfant adopté. Ma mère biologique m'a abandonnée et j'avais extrêmement peur de faire de même, d'être aussi une mère « abandonnante ». Ce qui m'a sauvé, c'est que j'ai compris qu'elle m'avait abandonné, non pas parce que je n'étais pas assez bien, mais parce qu'elle ne pouvait pas faire autrement. « A partir du moment où on se pose la question du risque de rejouer le même scénario, c'est bon signe et on peut être très vigilant. C'est plus difficile quand les gestes maternels violents – les gifles par exemple – ou les insultes maternelles reviennent malgré soi, quand on s'est toujours promis de ne jamais faire comme notre mère ! Si cela arrive, la première chose à faire est de s'excuser auprès de votre enfant : « Excusez-moi, quelque chose m'a échappé, je ne voulais pas vous faire de mal, je ne voulais pas vous dire ça ! ". Et pour éviter que cela ne se reproduise, mieux vaut aller parler à un psy.

Selon Liliane Daligan : « Le compagnon peut aussi être d'une grande aide pour une mère qui redoute un passage à l'acte. S'il est tendre, aimant, rassurant, s'il la valorise dans son rôle de mère, il aide la jeune mère à se construire une autre image d'elle-même. Elle peut alors accepter les mouvements de marre du « J'en peux plus ! Je n'en peux plus de ce gamin ! " que vivent toutes les mères. " N'ayez pas peur de demander au papa dès la naissance, c'est une façon de lui dire : « Nous avons tous les deux fait cet enfant, nous ne sommes pas trop à deux pour nous occuper d'un bébé et je compte sur vous pour me soutenir dans mon rôle de mère. Et lorsqu'il s'investit auprès de son enfant, il est essentiel de ne pas être omniprésent, de le laisser s'occuper de son petit à sa manière.

N'hésitez pas à vous faire aider

Demander de l'aide au père de votre bébé est une bonne chose, mais il existe d'autres possibilités. Yoga, relaxation, méditation de pleine conscience peuvent aussi aider une maman qui peine à trouver sa place. Comme l'explique Brigitte Allain-Dupré : « Ces activités nous permettent de reconstruire en nous un espace bien à nous, où l'on se sent en sécurité, apaisé, à l'abri des traumatismes de l'enfance, comme un cocon douillet et sécurisant, quand sa mère ne l'a pas fait. Les femmes qui ont encore peur de se taire peuvent se tourner vers l'hypnose ou quelques séances en consultation maman/bébé. « Juliette, elle s'est appuyée sur les autres mères de la crèche parentale dans laquelle elle avait inscrit sa fille Dahlia : « J'avais une mère bipolaire et je ne savais pas trop comment m'occuper de Dahlia. J'ai observé les mamans des autres bébés de la crèche, nous sommes devenues amies, nous avons beaucoup discuté et j'ai puisé dans chacune d'elles les bonnes manières de faire qui me correspondaient. J'ai fait mon marché ! Et le livre de Delphine de Vigan « Rien ne s'oppose à la nuit » sur sa mère bipolaire m'a aidé à comprendre ma propre mère, sa maladie, et à pardonner. Comprendre sa propre mère, éventuellement pardonner ce qu'elle a fait dans le passé, est un bon moyen de prendre ses distances et de devenir la mère « assez bonne » que vous voulez être. Mais faut-il s'éloigner de cette mère toxique dans le moment présent, ou s'en rapprocher ? Liliane Daligan prône la prudence : « Il arrive qu'une grand-mère ne soit pas aussi nocive que la mère qu'elle était, qu'elle soit une « grand-mère possible » quand elle était une « mère impossible » ». Mais si vous avez peur d'elle, si vous sentez qu'elle est trop envahissante, trop critique, trop autoritaire, voire violente, il vaut mieux prendre vos distances et ne pas lui confier votre bébé si vous ne l'êtes pas. « Là encore, le rôle du compagnon est essentiel, c'est à lui d'éloigner la grand-mère toxique, de dire : « Vous êtes chez moi ici, votre fille n'est plus votre fille, mais la mère de notre enfant. . Qu'elle l'élève comme elle veut ! "

* Auteur de « Violences féminines », éd. Albin Michel. ** Auteur de « Guérison de sa mère », éd. Eyrolles.

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