Accouchement provoqué : trop souvent imposé…

Les témoignages – tous anonymes – sont accablants. « Lors de mon projet de naissance, j'avais indiqué que je voulais attendre 2 ou 3 jours après la date d'accouchement avant provoquer l'accouchement. Il n'a pas été pris en compte. J'ai été convoqué le jour du terme à l'hôpital et j'ai été déclenché, sans me proposer d'alternative. Cet acte et le perçage de la poche d'eau m'ont été imposés. Je l'ai vécu comme une grande violence », indique une des participantes à la grande enquête du Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane*) traitant de « L'accouchement initié en milieu hospitalier ». Sur les 18 réponses de patientes ayant accouché entre 648 et 2008, 2014 % des femmes interrogées ont déclaré avoir vécu un « déclencheur ». Un chiffre qui reste stable dans notre pays, puisqu'il était de 23 % en 23 (Enquête nationale périnatale) et de 2010 % lors de la dernière enquête en 22,6. 

Quand le déclencheur est-il indiqué ?

Le Dr Charles Garabedian, gynécologue-obstétricien et chef de clinique à la maternité Jeanne de Flandres de Lille, l'une des plus importantes de France avec 5 accouchements par an, explique : «L'induction est une manière artificielle de provoquer l'accouchement lorsque le contexte médico-obstétrical l'exige.. » Nous décidons de déclencher pour certaines indications : à l'échéance, selon les maternités entre J + 1 jour et J + 6 jours (et dans la limite de 42 semaines d'aménorrhée (AS) + 6 jours maximum**). Mais aussi si la future maman avait un rupture de la poche à eau sans mettre en travail dans les 48 heures (en raison du risque d'infection pour le fœtus), ou si le fœtus a un retard de croissance, un rythme cardiaque anormal ou une grossesse gémellaire (dans ce cas, on déclenche à 39 WA, selon que les jumeaux partagent ou non le même placenta). De la part de la femme enceinte, cela peut être lors de la pré-éclampsie, ou en cas de diabète pré-grossesse ou de diabète gestationnel déséquilibré (traité à l'insuline). Pour toutes ces indications médicales, les médecins préfèrent provoquer l'accouchement. Car, dans ces situations, la balance bénéfice/risque penche davantage en faveur du déclenchement de l'accouchement, pour la mère comme pour le bébé.

Le déclenchement, un acte médical non anodin

« En France, les accouchements sont de plus en plus déclenchés, révèle Bénédicte Coulm, sage-femme et chercheuse à l'Inserm. En 1981, nous étions à 10 %, et ce taux a doublé pour atteindre 23 % aujourd'hui. Elle augmente dans tous les pays occidentaux, et la France a des taux comparables à ses voisins européens. Mais nous ne sommes pas le pays le plus touché. En Espagne, près d'une naissance sur trois est initiée. " Ou, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise « qu'aucune région géographique n'enregistre un taux de déclenchement du travail supérieur à 10 % ». Car le déclencheur n'est pas un acte anodin, ni pour le patient, ni pour le bébé.

Le déclencheur : douleur et risque de saignement

Les médicaments prescrits stimuleront les contractions utérines. Ceux-ci peuvent être plus douloureux (peu de femmes le savent). En particulier si le travail est déclenché à l'aide d'une perfusion d'ocytocine synthétique, le risque d'hyperactivité utérine est plus élevé. Dans ce cas, les contractions sont très fortes, trop rapprochées ou pas assez relâchées (sensation d'une seule et longue contraction). Chez le bébé, cela peut entraîner une détresse fœtale. Chez la mère, rupture utérine (rare), mais surtout risque de hémorragie post-partum multiplié par deux. Sur ce point, le Collège national des sages-femmes, en collaboration avec des anesthésistes, des gynécologues-obstétriciens et des pédiatres, ont proposé des recommandations concernant l'utilisation de l'ocytocine (ou de l'ocytocine de synthèse) pendant le travail. En France, les deux tiers des femmes le reçoivent lors de leur accouchement, qu'il soit initié ou non. " Nous sommes le pays européen qui utilise le plus d'ocytocine et nos voisins sont surpris par nos pratiques. Cependant, même s'il n'y a pas de consensus sur les risques associés à l'induction, des études mettent en évidence le lien entre l'utilisation d'ocytocine de synthèse et le risque hémorragique accru pour la mère. "

Déclenchement imposé : un manque de transparence

Autre conséquence : travail plus long, surtout s'il est effectué sur un cou dit « défavorable » (col encore fermé ou long en fin de grossesse). " Certaines femmes sont surprises de devoir rester à l'hôpital pendant XNUMX heures avant que le vrai travail ne commence », explique Bénédicte Coulm. Dans l'enquête Ciane, un patient a déclaré : « J'aurais aimé être plus consciente du fait que le travail pourrait ne pas commencer avant longtemps… 24 heures pour moi ! Une autre mère s'exprime : « J'ai eu une très mauvaise expérience avec ce déclencheur, qui a pris très longtemps. La tamponnade suivie de la perfusion a duré au total 48 heures. Au moment de l'expulsion, j'étais épuisé. « Un troisième conclut : » Les contractions qui ont suivi la gâchette étaient très douloureuses. J'ai trouvé ça très violent, physiquement et psychologiquement. Cependant, avant toute épidémie, les femmes doivent être informées de cet acte et de ses éventuelles conséquences. Nous devons leur présenter la balance bénéfice/risque d'une telle décision, et surtout obtenir leur consentement. En effet, le code de la santé publique indique qu'« aucun acte ou traitement médical ne peut être réalisé sans le consentement libre et éclairé de la personne, et ce consentement peut être retiré à tout moment ».

Accouchement provoqué : une décision imposée

Dans l'enquête Ciane, bien que les demandes de consentement aient augmenté entre la période 2008-2011 et la période 2012-2014 (les deux phases de l'enquête), une proportion encore élevée de femmes, 35,7% des primipares (dont c'est le premier enfant) et 21,3% des multipares (dont c'est au moins le deuxième enfant) n'ont pas eu leur avis à donner. Moins de 6 femmes sur 10 déclarent avoir été informées et leur consentement a été sollicité. C'est le cas de cette maman qui témoigne : « Lorsque j'ai dépassé mon terme, la veille du déclenchement programmé, une sage-femme a réalisé un décollement des membranes, une manipulation très douloureuse, sans me préparer ni me prévenir ! Un autre a dit : « J'ai eu trois déclencheurs sur trois jours pour une poche présumée fissurée, alors que nous n'avions aucune certitude. On ne m'a pas demandé mon avis, comme s'il n'y avait pas d'option. On m'a parlé d'une césarienne si les déclencheurs n'étaient pas efficaces. À la fin des trois jours, j'étais épuisé et confus. J'avais de très forts soupçons de décollement des membranes, car les examens vaginaux que j'ai subis étaient vraiment très douloureux et traumatisants. on ne m'a jamais demandé mon consentement. »

Certaines des femmes interrogées dans l'enquête n'ont reçu aucune information, mais on leur a néanmoins demandé leur avis… Sans information, cela limite le caractère « éclairé » de cette décision. Enfin, certains des patients interrogés ont estimé qu'on leur demandait leur consentement, soulignant les risques pour le bébé et dramatisant clairement la situation. Du coup, ces femmes ont l'impression qu'on leur a forcé la main, voire qu'on leur a carrément menti. Problème : selon l'enquête Ciane, le manque d'information et le fait qu'on ne demande pas l'avis aux futures mamans semblent être des facteurs aggravants d'un souvenir difficile de l'accouchement.

Induction imposée : un accouchement moins bien vécu

Pour les femmes qui n'ont pas eu d'informations, 44% ont une expérience « assez mauvaise ou très mauvaise » de leur accouchement, contre 21% pour celles qui ont été informées.

Chez Ciane, ces pratiques sont largement critiquées. Madeleine Akrich, secrétaire de la Ciane : « Les aidants doivent autonomiser les femmes et leur donner des informations aussi transparentes que possible, sans chercher à les culpabiliser. »

Au Collège national des sages-femmes, Bénédicte Coulm est ferme : «La position du Collège est très claire, nous croyons que les femmes doivent être informées. Dans les cas où il n'y a pas d'urgence, prenez le temps d'expliquer aux futures mamans ce qui se passe, les raisons de la décision et les risques potentiels, sans chercher à les paniquer. . Pour qu'ils comprennent l'intérêt médical. Il est rare que l'urgence soit telle qu'on ne puisse prendre le temps, même deux minutes, de s'installer et d'informer le patient. « Même histoire du côté du Dr Garabedian : » Il est de notre responsabilité en tant que soignants d'expliquer quels sont les risques, mais aussi les bénéfices pour la mère et l'enfant. Je préfère aussi que le père soit présent et qu'il soit tenu informé. Vous ne pouvez pas prendre soin d'une personne sans son consentement. Il est préférable de venir discuter avec le patient avec un confrère spécialiste selon la pathologie, en cas d'urgence et si le patient ne souhaite pas être déclenché. L'information devient multidisciplinaire et son choix est plus éclairé. De notre côté, nous lui expliquons ce que nous pouvons faire. Il est rare de ne pas parvenir à un consensus. Madeleine Akrich appelle à la responsabilité des futures mamans : « Je veux dire aux parents : 'Soyez des acteurs ! Renseigner! Vous devez poser des questions, demander, ne pas dire oui, juste parce que vous avez peur. Il s'agit de votre corps et de votre accouchement ! "

* Enquête portant sur 18 réponses au questionnaire des femmes ayant accouché en milieu hospitalier entre 648 et 2008.

** Recommandations du Conseil National des Gynécologues Obstétriciens (CNGOF) de 2011

En pratique : comment se passe le déclencheur ?

Il existe de nombreuses façons d'induire le placement artificiel du travail. La première est manuelle : « Elle consiste en un décollement des membranes, souvent lors d'un toucher vaginal.

Par ce geste, on peut provoquer des contractions qui vont agir sur le col de l'utérus », explique le Dr Garabedian. Autre technique dite mécanique : « le double ballon » ou cathéter de Foley, un petit ballon que l'on gonfle au niveau du col de l'utérus qui va exercer une pression dessus et provoquer le travail. 

Les autres méthodes sont hormonales. Un tampon ou un gel à base de prostaglandines est inséré dans le vagin. Enfin, deux autres techniques peuvent être utilisées, uniquement si le col est dit « favorable » (s'il a commencé à se raccourcir, s'ouvrir ou se ramollir, souvent après 39 semaines). Il est rupture artificielle de la poche à eau et infusion d'ocytocine synthétique. Certaines maternités proposent également des techniques douces, comme la pose d'aiguilles d'acupuncture.

L'enquête Ciane a révélé que les patients interrogés n'étaient que 1,7% à s'être vu proposer le ballon et 4,2% l'acupuncture. En revanche, une perfusion d'ocytocine a été proposée à 57,3% des femmes enceintes, suivie de près par l'insertion d'un tampon de prostaglandine dans le vagin (41,2%) ou d'un gel (19,3, XNUMX%). Deux études sont en préparation pour évaluer l'épidémie en France. L'une d'entre elles, l'étude MEDIP, démarrera fin 2015 dans 94 maternités et concernera 3 femmes. Si on vous le demande, n'hésitez pas à répondre !

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