Psychologie

Le commandement de nos jours est « Regarde tout avec optimisme ! ». La maladie est une raison d'être avec votre famille et de ressentir le soutien de vos proches, le licenciement est une chance d'apprendre une nouvelle spécialité… Mais que se passe-t-il si nous, en essayant de voir les avantages de tout, ne nous permettons pas de trouver la tranquillité d'esprit ?

Voiture en panne? Tant mieux : en attendant la dépanneuse, j'ai du temps pour moi. Coup de cœur dans le métro ? Bon courage, la proximité humaine m'a tellement manqué. Il y a des gens incroyables qui perçoivent tout positivement. Comme s'il y avait quelque chose de bon dans chaque trouble, et derrière chaque drame il y avait une leçon de sagesse. Ces personnes étonnantes, «chargées» d'optimisme, expliquent, parfois avec un sourire étrange, que vous serez plus heureux si vous ne voyez que le côté positif de tout. En est-il vraiment ainsi ?

Les erreurs sont instructives

« Notre société compétitive nous oblige à être efficaces dans tous les domaines de la vie. Il faut embellir même son CV pour qu'il ne montre qu'un mouvement ascendant régulier vers le succès », explique la philosophe et psychanalyste Monique David-Ménard. Mais la pression est si forte que le conseil vient souvent de personnes « façonnées par l'idéal du succès absolu » lorsque leur vie s'effondre soudainement à cause d'un échec.

Nos difficultés et nos échecs nous en disent long sur nous-mêmes.

Malgré toute leur positivité, ils n'ont pas appris à vivre des périodes de tristesse et à tomber dans la mélancolie. "C'est triste, car nos difficultés et nos échecs nous en disent long sur nous-mêmes", poursuit-elle. Par exemple, rompre une relation nous montre que nous étions trop investis dans cette relation, ou peut-être que nous étions prêts à échouer. Grâce à Freud, nous savons maintenant que les pulsions opposées - à la vie et à la mort, eros et thanatos - font la richesse et la complexité de notre âme. Faire attention à ce qui n'a pas marché, c'est réfléchir sur nos erreurs, nos faiblesses et nos peurs, toutes ces facettes qui font l'identité de notre personnalité. « Il y a quelque chose de très personnel dans le fait qu'on se retrouve à nouveau dans la même impasse, confirme Monique David-Ménard. – Et en cela réside notre liberté, « car dans les défaites nous trouvons matière à la construction de notre succès ».

Les émotions ont du sens

A quoi servent les sentiments et les émotions ? Ce sont des signaux lumineux dans notre esprit, ils disent que quelque chose nous arrive », explique la gestalt-thérapeute Elena Shuvarikova. « Lorsque nous sommes en danger, nous ressentons de la peur ; quand on perd, on ressent du chagrin. Et en s'interdisant de ressentir quoi que ce soit, on ne reçoit pas d'informations importantes du corps. Et ainsi nous manquons les opportunités de notre propre croissance, nous perdons le contact avec nous-mêmes. La tâche de la psychothérapie est de donner au client la possibilité de voir comment il a été affecté par l'événement et ce qui, dans sa réaction, fait référence à la situation passée, afin de lui apprendre à réagir précisément au moment présent.

« Trop de pensées positives nous empêchent de nous adapter à la situation actuelle », — Elena Shuvarikova en est sûre. Pour ne pas faire face à ce qui nous menace ou nous effraie, nous refusons de voir ce qui nous inquiète vraiment. On adoucit la situation pour se calmer un moment, mais en fait on va vers la catastrophe. Après tout, peu importe à quel point vous vous dites que la route est droite, s'il y a un virage, vous volerez sur le côté de la route. Ou, comme l'a enseigné le gourou indien Swami Prajnanpad, la bonne action est de "dire oui à ce qui est". La capacité de voir la situation telle qu'elle est permet de trouver les bonnes ressources et de faire le bon choix.

La capacité de voir la situation telle qu'elle est permet de trouver les bonnes ressources et de faire le bon choix.

« Les pensées positives, comme les pensées négatives, sont deux voies dangereuses et stériles, réfléchit Monique David-Ménard. "A cause des premiers, nous nous considérons comme omnipotents, voyons la vie en rose, croyons que tout est possible, et les seconds nous affaiblissent et nous préparent à l'échec." Dans les deux cas, nous sommes passifs, nous ne créons ni ne créons rien, nous ne nous donnons pas de levier pour refaire le monde qui nous entoure. Nous n'écoutons pas nos émotions, et le mot même « émotion » remonte au latin exmovere — « mettre en avant, exciter » : c'est ce qui nous mobilise, nous pousse à l'action.

L'ambivalence fait grandir

Parfois, l'exigence moderne de faire semblant que tout va bien est utilisée pour « neutraliser » l'interlocuteur dans une conversation qui devient tendue. Il existe une phrase célèbre « Ne me parlez pas du problème, mais proposez-lui une solution », que, malheureusement, de nombreux patrons aiment trop répéter.

L'ennui, c'est qu'il y a un reproche derrière : faites des efforts, soyez efficaces, souples et vivez ! Boris, 45 ans, employé commercial, s'indigne : "Notre patron nous a annoncé la "bonne" nouvelle : il n'y aura pas de licenciements... à condition qu'on accepte une baisse de salaire. Nous étions censés être heureux.» Ceux qui ont osé faire allusion à l'injustice ont été accusés de saper l'esprit d'équipe. La situation est typique. La pensée positive nie les processus de pensée complexes. Si nous pensons complexe, nous prenons en compte des éléments contradictoires et sommes dans un état d'équilibre instable, où le choix est toujours relatif et dépend du contexte. Et il n'y a pas de bonnes réponses uniques.

Éviter les difficultés, ne regarder les choses que du côté positif - une position infantile

"Éviter les difficultés, ne regarder les choses que du côté positif est une position infantile", estime Elena Shuvarikova. — Les psychologues appellent les larmes et le chagrin des "vitamines de croissance". Nous disons souvent aux clients : il est impossible de devenir adulte sans reconnaître ce qui est, sans se séparer de quelque chose, sans crier le sien. Et si nous voulons nous développer, nous connaître, nous ne pouvons pas éviter de rencontrer des pertes et des douleurs. Bien sûr, c'est difficile, mais inévitable et nécessaire. Nous ne pouvons pas comprendre toute la diversité du monde sans être d'accord avec sa dualité : il a du bon et du mauvais.

C'est naturel de s'inquiéter

"La pensée positive peut apporter un confort psychologique, à condition de ne pas l'utiliser constamment", explique Monique David-Menard. — En période de difficultés économiques, nous avons besoin d'un peu plus d'optimisme. Il aide à résister à l'anxiété. Mais une perception positive de la situation peut aussi être totalement inappropriée, par exemple, lorsque l'on ne veut pas entendre les plaintes. Rien n'offense un ami bouleversé comme un appel pour voir le bien dans la vie.

Parfois, vous devez laisser le désir d'être malheureux s'en aller de lui-même. En naviguant entre l'idéal d'efficacité et la peur de l'échec, nous pouvons créer un modèle de réussite qui permet certains échecs.

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